John Brown

Publié en Catégorie: ALLIE-E-S

John Brown

Je remercie Dieu d’avoir eu l’opportunité de découvrir dans son sens le plus plein et le plus profond l’harmonie sociale, éthique, mentale et physique d’une famille anti-esclavagiste, suivant à la lettre les principes de son prototype, la cause antiesclavagiste.
Dans la maison de John Brown et en présence de John Brown des hommes de partout de cette terre se sont rencontrés et ont formé un groupe où aucun préjugé détestable n’a osé montré le bout de son sale nez – où même aucune ombre de discrimination n’a trouvé de place pour entrer.

C’est en ces mots qu’Osborne P. Anderson rend hommage au groupe qui prit possession de l’arsenal d’Harpers Ferry (Virginie) le 16 octobre 1859 dans le but d’armer les esclaves pour leur libération dans tout l’état. Mais l’opération allait être un échec.

Cette attaque dont John Brown était l’inspirateur et le commandeur en chef était la première étape d’un projet plus vaste pour libérer les esclaves état par état et provoquer la chute du système esclavagiste américain (le Slave Power). Osborne P. Anderson, né libre, était l’un des 5 noirs qui faisait partie du groupe d’Harpers Ferry. Il fut également l’un des rares à avoir survécu à l’attaque et échappé à l’arrestation. En 1861 il consigna ses souvenirs de toute l’entreprise dans un livre nommé « A voice from Harpers Ferry » dans le but de donner sa propre version de faits largement déformés par ailleurs, ainsi que sa vision de l’homme qu’était John Brown.

John Brown est né en 1800 à Torrington dans le Connecticut (Est des Etats-Unis). Il était tanneur, éleveur et commerçant de laine. Son père, calviniste orthodoxe, était déjà un fervent abolitionniste convaincu que garder des êtres humains en esclavage était un péché. Dès 1836 dans l’Ohio, John Brown commença à œuvrer. « Station master » pour l’Underground Railroad, il tenait un lieu (la « station ») où étaient accueilli.es, nourri.es, caché.es les esclaves en fuite.

En 1837, suite à l’assassinat par une meute esclavagiste d’Elijah P. Lovejoy, un pasteur abolitionniste blanc, Brown fit vœu publiquement et devant Dieu de vouer sa vie à lutter contre l’esclavage.

En 1846 il s’établit à Springfield (Massachusetts) où il rejoint un mouvement anti-esclavage déjà actif. Springfield fut tout au long de l’histoire abolitionniste une ville capitale et notamment un point névralgique de l’Undergound Railroad.

Pour réagir au Fugitive Act qui permettait de venir dans des états libres pour capturer des esclaves en fuite, Brown créa en 1950 son premier groupe militant : la ligue des Gileadites, une organisation qui s’appliquait à protéger des esclaves en fuite.

Brown participa ensuite à l’épisode nommé Bleeding Kansas qui opposait des esclavagistes partisans du rétablissement de l’esclavage au Kansas à des militants abolitionnistes qu’on qualifiait de Free States. Cette guerre qui dura de 1954 à 1958 a débuté ainsi. Une loi, le Kansas-Nebraska Act annulait le Missouri Compromise qui prohibait l’esclavage dans cette zone. Le Kansas-Nebraska Act prévoyait que le choix – esclavage ou pas- soit laissé à la volonté populaire. Le Sénateur Douglas, responsable du comité des territoires, qui avait promulgué cette loi espérait se dispenser de prendre position dans un débat tendu.

L’enjeu de colonisation de ces territoires était économique et cette loi était une concession évidente aux sudistes esclavagistes sous des dehors de « souveraineté populaire ». La conséquence fut que des militants des deux bords arrivèrent massivement au Kansas pour une guerre de 4 ans.

John Brown fut accusé d’avoir participé pendant cette période au Massacre de Pottawatomie où 5 hommes pro-esclavages furent assassinés. Il a toujours nié son implication mais cette charge est incluse dans le jugement qui le condamne à mort après Harpers Ferry.

C’est après 1856 que Brown allait voyager pour trouver du soutien en hommes, argents et armes pour son grand projet encore secret de mettre fin à l’esclavage. Malgré pas mal de réunions et de soutiens apparents Brown ne rassembla au final que 21 hommes pour la prise d’Harpers Ferry alors qu’il en attendait plus. L’attaque ne fut pas retardée pour plusieurs raisons entre autres parce qu’un traître, Forbes, avait dévoilé le projet. Forbes n’avait pas été pris complètement au sérieux par les autorités mais cela avait accentué la surveillance exercée à l’égard de John Brown.

Osborne P. Anderson considère que l’attaque fut un échec parce que Brown avait trop tardé à l’intérieur de l’arsenal; ils se retrouvèrent finalement assiégés par des marines et des habitants armés. Avant que Brown et ses hommes soient arrêtés, les combats firent de nombreux morts. Brown et les autres survivants furent arrêtés, emprisonnées puis exécutés en décembre 1958.

Le groupe que Brown avait emmené à Harpers Ferry lui était très fidèle, fasciné, soumis (et exclusivement masculin !). On comprend dans l’écrit d’Osborne P. Anderson que Brown était un leader charismatique, un patriarche qui avait mis en place une discipline militaire pour mener à bien son projet, y compris dans sa propre famille : on sait notamment que ses enfants furent amenés très jeunes à prêter serment de consacrer leur vie à la lutte contre l’esclavage, ce qui pose bien évidemment question en terme de rapports de pouvoir…
On voit bien aussi que la radicalité de Brown était complètement sous-tendue par sa foi :

Il considérait l’esclavage comme un état de guerre perpétuelle contre l’esclave. Il était très imprégné de l’idée que lui et ses amis avaient le droit de prendre la liberté et de prendre les armes pour la défendre. En tant que fervent chrétien il défendait ses opinions et construisait ses plans en conformité avec la bible ; et quand il les exposait il faisait librement des citations des écritures pour appuyer ses positions. Il approuvait et appliquait la doctrine qui veut qu’on détruise l’arbre qui a apporté le fruit pourri. L’esclavage était pour lui le fruit pourri et le devoir de chaque chrétien était de terrasser l’esclavage et de confier ses restes aux flammes.

John Brown, pour ce qui est du recours à la guérilla, avait été influencé par les révoltes d’esclaves, dans toute la Caraïbe et plus particulièrement en Haïti et en Jamaïque. Il en connaissait les événements par cœur. Il envisageait la mise en place de communautés de nègres-marrons dans les montagnes, comme en Jamaïque et au Surinam. L’histoire du bateau La Amistad en 1837 était aussi pour lui une référence majeure.

Il est communément admis que la guerre du Bleeding Kansas et le raid d’Harpers Ferry furent deux épisodes qui accrurent les tensions entre Nord et Sud, et rapprochèrent l’inéluctable guerre de Sécession. Il est vrai que l’action de John Brown touchait au cœur la peur fantasmatique des esclavagistes d’une insurrection généralisée et sanglante.

Les regards portés sur l’action de John Brown sont divers. Le sentiment de réprobation générale qui prévalait initialement chez les abolitionnistes changea au fur et à mesure du procès et il fut finalement perçu comme un martyr par certainEs.

Mais même l’histoire moderne le considère tantôt comme un héros tantôt comme un malade mental ou un illuminé. Il est d’ailleurs considéré comme le premier américain « terroriste de l’intérieur ». Bien entendu les regards portés sur ses actions ne sont pas neutres.

John Brown était en tous cas un modèle pour nombre d’activistes noirs radicaux. Par ailleurs, David Thoreau, l’une des références majeures des mouvements non-violents (notamment celui des droits civiques), écrivit un plaidoyer pour John Brown après le raid. Il y faisait l’éloge du courage de Brown et démontait les accusations de fanatisme. Thoreau lut ce texte publiquement plusieurs fois jusqu’à son exécution par pendaison le 2 décembre 1859.

Cases Rebelles