Mon amour pour mon peuple en 10 chansons

Publié en Catégorie: MUSIQUES

L’idée est simple. Vous proposer dix chansons qui incarnent mon amour pour mon peuple noir. Le choix a été super difficile et ça a été extrêmement frustrant mais ça m’obligera à revenir quelques prochaines fois. En espérant que vous ressentiez le son (comme les Little) et l’amour bien entendu.

Eddie Kendricks : « People… Hold On »

J’ai commencé cet article avec ce morceau là à l’esprit. « People … Hold On » est le deuxième album d’Eddie Kendricks ancien membre des Temptations. « My People…Hold On » est le morceau qui donne – presque –  son titre à l’album ; le retrait du « my » dans le titre de l’album enlève pas mal la dimension communautaire. Dans mon corps, mon esprit, cette incroyable composition raconte la déportation, la perte, la traversée, la diaspora, l’unité et tout ce que votre cœur pourra y mettre. Et énormément alors « Say it, say it, say it : My people hold on« . En ce jour ce morceau est d’ailleurs très approprié.

Marlène Dorcena : « Mesy »

« Mésy Bondyé« , classique de la musique haïtienne, est avant tout le fruit du talent du guitariste Frantz CASSEUS (1915-1993). Les nombreuses reprises sont plus ou moins fidèles, plus ou moins enthousiasmantes. J’ai choisi ici de partager ici une version live de Marlène DORCENA, pour toute la complexité affective et l’énergie magnifique que son interprétation porte.

Surinam album

      Wilfred Cairo and his winti ensemble - Pikin de njan f'a goron

On reste dans les Caraïbes mais nous sommes au Surinam cette fois-ci. Je suis fasciné par la musique traditionnelle des Caraïbes et les échos que l’on retrouve d’un lieu à l’autre :  les ressemblances au niveau rythmique, au niveau du chant et de la danse également. Je sais que ces pratiques sont fortement codifiées et dépassent le simple cadre de ce que l’on nomme dans la modernité occidentale la « musique » ; parce que ces pratiques de résistance, de transmission etc. ont été des armes de notre survie. Ces pratiques sont issues de l’attentat esclavagiste. Elles ont beau incorporer des éléments d’avant, d’ailleurs,  elles charrient la complexité de notre réinvention après la déportation. Mais, malgré donc cette codification, je me sens rarement autant « à la maison » que dans ces musiques traditionnelles, parce que j’y entend l’accent familier de mon gwoka.

Sade : « Nothing Can Come Between Us »

Sade… Sade a toujours incarné pour moi une authenticité rare et précieuse. L’amour est tellement politique et puissant quand il est chanté de cette façon. Je pense que j’ai toujours admiré sa capacité à chanter la complexité dans un format très classique. Mais Sade c’est aussi l’alchimie avec un groupe incroyable, ce qui donne au final des chansons que je trouve pas du tout datées – mais là c’est peut-être moi qui date. « Nothing can come » est fabuleux dans cette réaffirmation de l’amour, de la bienveillance, dans ce vœu d’être là pour l’autre et de sauvegarder un lien précieux. Je ne lie pas ce texte à l’amour romantique uniquement : je l’associe à toutes les formes d’affection. Le passage à 2 minutes est pour moi totalement magique et symbolise pour moi toute la force que Sade donne à l’amour.

KASSAV : « Sé Pa Djen Djen »

Avec ce morceau d’anthologie Kassav réussissait l’alliance du groove, de la suavité avec des lyrics qui déclarent sans complexe que l’amour n’est pas une blague, qu’il faut réfléchir, etc. « Sé Pa Djen Djen » parle sans complexe de la nécessité de baser la famille sur l’amour, pour les enfants, le futur, la communauté. L’amour n’est pas un truc avec lequel on rigole : ce n’est pas des blagues. Nos décisions construisent le chemin de nos enfants. Ce morceau est donc aux antipodes (comme énormément de morceaux de Kassav) de la conception clichée de ce qu’est le Zouk. La composition du morceau est fabuleuse et Jean-Philippe Marthély au chant est au sommet ; j’en oublierai presque que je suis fanatique de Patrick St Eloi. Bon et qui aurait cru que le morceau finirait en sample sur la BO de la Haine dans le morceau d’Express D?

Kalambya Sisters

      Kalambya sisters - Katalina

J’avoue que l’Afrique continentale est grave sous-représentée pour l’instant. On y vient donc par le Kenya avec les Kalambya Sisters. Ce morceau « Katalina » est sorti au début des années 80 et fut un tube apparemment. Ça ne m’étonne pas trop tant il est difficile de ne pas danser à son écoute.  Les Kalambya Sisters étaient donc Kambas du Kenya et leurs paroles parlaient de problèmes qui se posaient aux femmes.

FELA : « Water No Get Enemy »

La musique de Fela bouleverse l’ordre des choses. Sa progressivité mène à la transe et bien entendu à l’explosion d’amour. Le groove est incitatif, ou du moins devrait-il. Danse. Révolte. Je chaloupe sur ma chaise en écrivant et quand la voix de Fela arrive je ne peux plus m’empêcher de me lever. Et la spatialiation du mix fait que quand les chœurs arrivent, mes yeux fermés je me sens au cœur de la musique, de l’assemblée. Au cœur de mon peuple.

Susana BACA : « María Landó »

Susana Baca c’est le Pérou Afro. Maria Lando est un bijou. Maria Landó raconte la travail, la souffrance et l’exploitation. Tout l’art de Susana Baca c’est de suggérer un personnage, une histoire en très peu de mots et beaucoup de poésie.

Maria n’a pas le temps de lever les yeux
de lever les yeux, brisée par le manque de sommeil
brisée par le manque de sommeil de tant de souffrances
de tant de souffrance,
Maria Landó ne fait que travailler
Maria travaille et travaille
Et son travail enrichit les autres

 

Stepchild : « Hangin’ Around »

Stepchild c’est le génie. C’est un album unique en 1995, trop en avance sur son temps pour ne pas finir fréquemment dans des bacs de disques d’occasion, abandonnés par leurs propriétaires. Chaque fois que j’en trouve un je l’achète et je l’offre. Parfois j’ai un exemplaire d’avance. Souvent je traine sur internet, cherchant une interview, une trace de ce que les petits génies avaient à dire. Ils venaient de L.A. Et ils sonnaient hip-hop, jazz, nu soul. Je me souviens même qu’Erykah Badu les citaient comme influence ou référence dans The Source, au moment où elle sortait son 1er album. Le rapprochement qui s’impose le plus au niveau hip-hop c’est Pharcyde avec qui ils avaient du faire une collaboration. Et les deux groupes venaient de Los Angeles. Stepchild est passé le temps d’un souffle mais sa musique est inoubliable.

Nancy Dupree : « Call Baby Jesus »

Nous sommes au début des années, nous avons un piano, une merveilleuse professeure de musique politiquement radicale et des élèves d’une école élémentaire de New-York hypermotivéEs par leur chorale révolutionnaire. Le résultat est un album inoubliable nommé « Ghetto reality » beau dans ses imperfections où des enfants noirs des Etats-Unis chantent la joie d’être ensemble en se saisissant de leur histoire. Populaire, radical et pour finir…plein d’amour !

M.L._Cases Rebelles (9 Novembre 2016)