Autour de la Marche de la Dignité : Bams

Publié en Catégorie: AFROEUROPE, AUTODETERMINATION, DECONSTRUCTION

Dans le cadre de la Marche de la Dignité qui aura lieu le 31 Octobe 2015 à Paris, (L’appel est ici et Cases Rebelles en est signataire.) on vous propose une série d’interviews des membres du collectif Marche des Femmes pour la Dignité (MAFED). Cette fois-ci, c’est BAMS, auteure engagée, interprète, chanteuse, rappeuse, militante, web-partageuse curieuse et généreuse, qui nous raconte le pourquoi et le comment de son investissement dans la Marche, sa vision et ses attentes. Lisez, faites circuler et rejoignez la Marche !

Je faisais partie des intervenantes à l’anniversaire des 10 ans du PIR, suite à mon investissement contre Exhibit B . A la fin de cette journée Amal Bentounsi a lu l’appel, l’appel de la Marche. Derrière ça il y’a eu un désir collectif de femmes provenant de divers horizons d’accompagner cet appel et de constituer le MAFED, donc ce collectif de femmes subissant et luttant contre le racisme qui rejoignent cet appel, dirigent et organisent cette marche en collaboration avec des signataires, des associations, des collectifs, des personnalités issues de l’immigration. On se rencontre le plus régulièrement possible par mail et on fait aussi au mieux pour se rencontre de visu, au vu du grand nombre qui grandit chaque jour, pour ensemble élaborer la bonne marche de cet événement que l’on veut fort.
On est dans le contexte d’une société française tarie par un racisme ancré au plus profond dont on sait touTes, signataires, MAFED Girls, qu’il tire son fondement dans un passif esclavagiste, dans ce passif colonial, et dans cette actualité pseudo guérie en façade. En tant qu’artiste engagée que j’ai toujours été, mon engagement est de partager ma vision du monde et forcément au vu de ce que je suis noire, femme, d’enveloppe jeune on va dire, mon regard part de là et fonde mon regard social.
D’où je pars, je ne peux que me reconnaitre dans cette initiative qui pour une fois part de nous. C’est ensemble, MAFED, orgas, collectif, personnalités issues de l’immigration, qu’on monte cet évènement, qu’on définit les termes de nos luttes, la forme de nos luttes. Pour moi, toutes les conditions sont réunies pour que mon implication soit évidente. C’est la possibilité de s’unir. J’ai été touchée lors des réunions où on a rencontré une partie des signataires de voir comment certainEs exprimaient le fait que c’était la première fois qu’ils collaboraient avec telle ou telle asso, que telle découvrait telle autre. Il y’a vraiment une vraie force en ça, dans cette union et ce front commun en ces temps barbares, hostiles, de guerre identitaire qu’on traverse.

Aujourd’hui nous on descend chargéEs de notre héritage de luttes, de tous nos héros, tout ce qui fait qu’aujourd’hui on est engagéEs, conscientiséEs, lucides, porteurSES de solutions ; Du Bois, Um Nyobé, Nkrumah, Sankara, Aminata Traoré qui sera des nôtres le 31. Aujourd’hui, on appelle au rassemblement pour aussi marquer qu’on est maitre de notre agenda. J’attends de cette marche qu’elle nous permette de nous identifier les uns les autres et qu’elles permettent de mettre en place des solutions pour répondre aux différentes discriminations qu’on peut subir. Il y a aussi cette résonnance avec 1983, la Marche de l’Egalité, et aussi les 10 ans des Révoltes de 2005. Bien sûr que la Marche s’inscrit sur ce chemin. La résistance est toujours vaillante et on va faire l’inventaire de nos forces, compter nos soldates et soldats. On va organiser notre espace de tribune, notre visibilité, notre réseau collectif. Je pense qu’il est important, en ces temps de guerre identitaire, d’opter pour une telle union et de marquer le coup avec ce premier acte ; parce que bien sur il est impossible que cette marche s’arrête là. Les gens qui la composent sont déterminés à ne pas plier face à l’injonction assimilationniste, crari républicaine, intégrationniste. Nous, ce qu’on affiche, affirme et propose, c’est la jonction de nos identités ; et nos identités sans en gommer nos aspérités, nos spécificités, nos particularités d’être issues de l’immigration. Moi je me définis comme une africaine française, une noire de France, me limiter à dire que je suis française c’est quelque chose de pas négociable : je suis forcément porteuse de cette histoire noire. Et il se trouve que cette histoire noire a en commun avec cette histoire blanche, jusqu’à présent, parce qu’il n’y a aucun courage politique en face, la purulence de l’esclavage, la cyanurerie de la colonisation et de la néo-colonisation qui sévit encore actuellement. Tant qu’on ne percera pas cet abcès-là, tant qu’on ne mettra pas à plat les choses, la société française sera traversée par des tensions identitaires. Et, à un moment, je pense que tous ceux qui vont défiler le 31 Octobre auront en commun l’affirmation de cette identité. Pas comme quelque chose qu’on veut éteindre, cacher, gommer mais plus une affirmation d’être de ce monde et porteur d’un projet social qui inclurait toutes les composantes de la société française.
Il y a vraiment un côté célébration des luttes de l’immigration. On va faire de ce moment un moment heureux, joyeux. Il y aura bien le coté des familles des victimes mortes dans les mains de la police, y’aura le coté Aminata Traoré, y’aura des membres de la famille de Michael Brown. Mais ce n’est pas pour pleurer ensemble ; on a touTEs déjà pleurées . Cet espace, ce front commun est le rapport de force qu’on veut inscrire et poser face à la brutalité que nous renvoie l’hostilité raciste de l’état français à nos égards. Tension non stop tant ce racisme structurel est porté par l’Etat et traverse toutes les institutions de la société française.
Il est important que les gens comprennent que ce n’est pas que de la réaction : cette marche va réunir les personnes qui vont composer un espace safe, secure et serein. A un moment, quand aujourd’hui on est noirEs, maghrébinEs , musulmanEs, rromEs, on grandit en terrain hostile. Tout est douloureux, biaisé, ralenti, freiné, chapeauté par un plomb étatique, raciste discriminant et excluant. Et il est important pour tout être humain d’être entouré de chaud, de beau, de regards valorisants. C’est important de traduire que c’est aussi ça la proposition de la Marche : cet espace où on va être ensemble. Parce qu’aujourd’hui être noirs, maghrébins, musulmans, rroms aujourd’hui en France partout où on est c’est être profondément isolé dans ses parcours personnels, isolés face à la brutalité du système suprématiste !

Cette marche elle doit nous réunir, nous réchauffer, nous mettre en beauté. Elle doit afficher ce potentiel dont la France par idéologie raciste se prive et prive la nation. C’est important de poser aussi cet acte lumineux. Et c’est en ça que quand je disais sortir de l’agenda occidental et etre dans notre agenda. C’est partir de nous et ensemble organiser nos parcours, ensemble organiser nos réponses a la discrimination que tous communément on subit. En tous cas, moi je ne rentre pas dans cette histoire avec une attente de faire bouger quelque chose dans le système. J’attends rien de l’État. J’attends de mes frères et de mes sœurs qu’ensemble on pose des choses et on organise des choses. Ça, c’est ma trajectoire personnelle dans le MAFED. Si mon humble parole peut emmener mes frères et sœurs à se conscientiser sur la nécessaire communautarisation qu’on a à construire et bien dans cette histoire des luttes l’immigration je me serai sentie utile.

Par ailleurs il faut aussi parler des alliées. Même s’il y a beaucoup de pseudo alliéEs, il y aussi de vraiEs alliées, de vraiEs frères et sœurs et blanchEs et ceux-là seront aussi là le 31 octobre dans les respect de cette autonomie des luttes et qu’on affiche à la France.

Y’a un slogan que j’ai déjà mis dans de nouveaux textes : « Ils ne se moquent pas d’eux nous ils se moquent d’eux-mêmes » C’est important parce que, à un moment, j’ai de la peine de voir parfois le temps qu’on perds à répondre à des agressions qui sont organisées, voulues, construites, posées, faites pour nos distraire, pour semer la confusion. Du coup, moi c’est pas du tout dans cette intention là que je vais dans la rue, le mal est fait. C’est juste encore une fois pour identifier ceux des frères, sœurs, cousins, cousines et qui eux sont dans l’organisation de cet agenda et qui va sortir de l’agenda occidental . Qu’est-ce qu’on propose sur le terrain de l’éducation ? Qu’est-ce qu’on propose sur le terrain de l’aménagement du territoire ? Qu’est-ce-qu’ on propose sur tout avant tout ? Quelle économie on est capables ensemble d’organiser ? Moi, c’est ma trajectoire personnelle dans cette aventure. Et le MAFED, la Marche me laisse cet espace. Cela veut dire qu’on est quelque’unEs, plusieurs, beaucoup à être sur cet angle et que surtout que ça n’annule pas le travail quotidien acharné des militantEs de tous les jours, qui eux doivent pallier aux agressions quotidiennes. Mais c’est juste que moi la dimension, de ma toute humble petite personne, que j’aimerai éveiller susciter c’est celle-là, sortons de l’agenda occidental, créons nos lieux, créons nos espaces dans lesquels on organise de quoi rentrer au mieux dans dans le monde. Je reviens à cet espace « safe, serain, sécure ». Cette phrase me vient de Sabreen Al Rassace qui fait partie du groupe LOCs qui ont signé l’appel. Elle l’emploie souvent et je la trouve tellement symbolique de ce que nous discriminés on peut subir. C’est concrètement l’anti-virus à la discrimination. Mais pour moi cet espace on pourra l’organiser si on part de nous, où il va y avoir de la bienveillance, de l’amour, de la valorisation dans le regard , dans les mots. Tout être humain pour se construire, c’est ce qu’il a besoin. Tout parent de part le monde portera de beaux adultes parce qu’au départ il y aura eu ce terreau valorisant, affectif. Les conséquence du racisme d’état (c’est pas une opinion) c’est de concrètement de nous exposer à une hostilité constante.

Donc j’insiste sur cet aspect célébration et cet espace qu’il va être bon et chaud de vivre. C’est important que les gens comprennent ça. Ce n’est pas la énième manif où on vient crier de colère. Là, c’est pas à cette dimension là qu’on fait appel. Pour moi, elle est là la dignité . Et c’est pour ça que j’aime cette terminologie. Pour moi la dignité c’est de l’ordre du beau, ce que tout un chacun a de beau au plus profond de lui, c’qui nous reste de beau  au plus bas de nos vies.
Et c’est important d’entendre cette dimension qu’on va porter ; parce que nous sommes la solution pas le problème.

Au sujet de la cagnotte. C’est bien beau d’être conscientiséEs, d’être lucides sur le monde, d’être porteurs de solutions mais quand on parle d’organisations, c’est aussi dire qu’on construit ensemble et qu’ensemble on met la main à la pâte. L’autonomie de nos luttes est garantie par l’autonomie financière. On a l’intention de faire quelque chose à notre dimension et notre dimension elle est belle et grande . Donc il faut des moyens, si on veut faire venir des familles, pour des cars de province, c’est à nous MAFED et signataires de porter tout cela et donc on a besoin de vous. On a besoin que les gens qui se sentent concernés soutiennent aussi financièrement.

Entretien réalisé en Septembre 2015 par Cases Rebelles.

Alors la cagnotte c’est là : https://www.leetchi.com/c/projets-de-marche-de-la-dignite

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