L’ÉTAT DES ÂMES | L’impact psychique des violences d’État : nommer, reconnaître, prendre en charge

L’ÉTAT DES ÂMES

L'impact psychique des violences d’État : nommer, reconnaître, prendre en charge...

INTRODUCTION

Les violences d’État ne se contentent pas d’abîmer les corps ou de les détruire. Elles frappent les âmes ; celles des victimes, de leurs proches, des témoins. Ces souffrances psychiques, ces traumas de guerre de basse-intensité ne sont pas toujours pris en charge ou considérés comme prioritaires ; faute de moyens, de ressources. Ils peuvent se retrouver occultés ou refoulés. Dans l’urgence des combats, de la résistance à mener ou tout simplement de la vie à tenter de poursuivre, malgré tout.
Pourtant la souffrance psychique déborde et s'installe, parfois durablement. La démultiplication des entretiens pour la réalisation de 100 portraits contre l'État policier nous y avait confrontées à un degré intense, dans un laps de temps très réduit.
Elle touche familles, proches mais aussi soutiens et militant·e·s.
On sait comment ces souffrances psychiques peuvent consumer et user, mais qu'il n'est pas aisé de trouver les moyens d'y répondre. À l’heure où le Réseau d’Entraide Vérité et Justice travaille à mobiliser des professionnel·le·s de la santé mentale sensibilisé·e·s aux questions liées aux violences d’État, on vous propose d’entendre quelques récits de victimes et de proches, Fatou Dieng, Mélanie Ngoye-Gaham, Makan Kebe, Laurent Théron ; ainsi que la parole d’une psychanalyste, Hagere Mogaadi.
Le 19 juin 2021 à la Parole Errante, dans le cadre de la 14e commémoration pour Lamine DIENG, se tiendra un atelier qui aura pour but de participer à la mise en place effective de ce réseau nécessaire de praticien·ne·s sensibilisé·e·s.

Cases Rebelles

FATOU DIENG

"Consulter, on ne se l'est jamais autorisé."

« Je crois qu’on était tou·te·s dans cet état de flottement : on faisait les choses machinalement… tout en pensant que ça n’était pas lui… Le fait de prendre du recul là-dessus et d’être dans le déni, peut-être que ça nous a permis de faire les choses qu’il fallait faire dans les premiers instants, à savoir d’aller prospecter un avocat, porter plainte, se constituer partie civile. Peut-être que oui : c’est le déni qui a dû nous faire tenir pour qu’on puisse passer toutes ces étapes-là. »
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MÉLANIE NGOYE-GAHAM

« On a peur tous les jours. »

« Le lendemain, il est environ 14h, 15h, j’allume mon téléphone portable je lance Facebook et là je vois une vidéo d’un flic qui court comme un dératé et je me vois au bout de sa matraque. Là je comprends qu’un policier m’a choisie et qu’il a choisi délibérément de m’asséner un coup de matraque en haut de la nuque, risquant de me laisser tétraplégique. Je comprends que j’ai été ciblée et le traumatisme arrive à ce moment-là. »
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MAKAN KEBE

« Si raconter peut aider d’autres personnes à s'ouvrir, à chercher de l'aide, alors je vais le faire. »

« Le moment où je me sentais le plus vulnérable, c’est le moment où j’ai vécu ces choses-là, où j’étais dans la période où je me repliais sur moi-même. Avoir le courage d’en parler m’a rendu plus fort parce que je réussissais à traduire ça dans les lignes du livre. »
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LAURENT THÉRON

« L’impact psychologique est progressif parce que la douleur, au début, est trop intense. »

« L’histoire que je t’ai racontée, sur la place, etc., je la raconte tellement souvent que je rentre dans une sorte de mécanisme où je me détache de la scène, c’est comme si je parlais d’une mauvaise blague, parfois ponctué de blagues en plus. Progressivement, je suis en train de me construire une sorte d’apparence : "Ouais, ouais, c’était dur mais ça va." C’était vraiment un truc de détachement. Mais au fond, je suis en train de glisser de plus en plus. »
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HAGERE MOGAADI

« Tendre à une globalisation de l’accès au dispositif psychanalytique. »

On pourrait dire qu’Hagere Mogaadi est sur une voie séditieuse. Elle fait le pari engagé d’une psychanalyse spécialisée en transculturel,  queer-friendly, ouverte à la foi, consciente de la charge du travail militant et qui, pour finir, refuserait de se mentir sur les dynamiques systémiques qui organisent le monde. Et on a envie de la suivre.
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