Une soirée d’été, nous sommes allé·e·s à la rencontre de l’adorable couple formé par Flor et Rafael SALAS. Réfugiés Chiliens France après avoir fui la dictature militaire du général Augusto Pinochet dans les années 1970, ils continuent, après plus de cinquante ans d’exil, de suivre avec attention la situation politique du Chili, jusqu’aux récentes élections municipales de leur ville d’origine, Puente Alto, où un candidat progressiste vient de défaire une sinistre héritière du fascisme. Avec une immense générosité, il ont réouvert pour nous certaines portes de leur mémoire, pour témoigner de leur histoire, aussi terrible qu’importante, en ces temps plus que troublés où si l’extrême droite n’a pas déjà pris le pouvoir, elle est tapie dans son antichambre, en Europe et partout dans le monde.
La trajectoire de Flor et Rafael est celle de communistes convaincu·e·s, ouvrier·e·s textiles passionné·e·s de littérature, dont la vie est brutalement brisée par le coup d’État de septembre 1973 qui renverse le gouvernement du président Salvador Allende. Une abominable répression de tou·te·s les opposant·e·s politiques ou considéré·e·s comme tel·le·s se déchaîne : arrestations arbitraires et harcèlement de la police politique (la DINA), muselage de la presse, de la culture, de l’université. D’après les chiffres officiels rappelés par Amnesty International en 2023, pendant les 17 ans de dictature les atrocités du régime ont fait 40 175 victimes parmi lesquelles des personnes torturées et détenues ; 3216 personnes ont été officiellement reconnues comme victimes de meurtre ou de disparition forcée. Pour ces dernières, dans la grande majorité des cas, à ce jour, il n’y a eu ni justice ni vérité ni réparation. Face aux crimes de la dictature chilienne, les grandes puissances ferment les yeux, et préfèrent louer la politique économique de privatisations et de marchandisation à l’extrême de tous les aspects de la vie menée par les « Chicago Boys », chantres l’idéologie néolibérale enseignée par l’économiste Milton Friedman.
Rafael est arrêté par les militaires, emprisonné dans les stades de Santiago. Il est ensuite détenu au nord du Chili, dans l’ancienne ville salpêtre de Chacabuco, perdue dans le désert d’Atacama, que Pinochet a transformée en camp de concentration. Avec courage et dignité, le couple Salas résiste.
Dans cet épisode, il sera question de militance familiale et ouvrière, de lutte contre la répression, de théâtre et de poésie, de travail de mémoire. Bonne écoute !
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MUSIQUE / INTERLUDES :
Mercedes Sosa « Gracias a la vida »
Beatriz Pichi Malen « We Küyen »
Victor Jara « Te recuerdo Amanda »
Los Jaivas-Todos Juntos
Sergio Ortega « El pueblo unido jamas será vencido »
Carina Carriqueo « Canción del lucero »
Nous remercions infiniment et très chaleureusement Flor et Rafael d’avoir partagé leur histoire et la flamme de la résistance antifasciste avec nous. La magie de leur rencontre et de leur poésie reste dans nos cœurs.
Crédit photographiques : Rafael et Flor SALAS © (1/ Flor et Rafael Salas – 2/ Flor, Rafael et leurs trois filles dans le bureau de Rafael à l’usine Textil Progresso).
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Extraits (sources) :
Articles :
– « Quand l’État chilien se proposait de construire la démocratie économique. Nationalisations, Aire de propriété sociale et système de participation des salariés durant l’Unité populaire (1970-1973) », Franck Gaudichaud. Amérique Latine : Histoire et Mémoire. Les cahiers ALHIM, 2014, Construction de l’État-Nation et développement économique et social au Chili (1811-1976), 28.
– « Quand les militaires fauchent l’espoir d’une nouvelle voie vers le socialisme », par Renaud Lambert, Le Monde diplomatique, 11 septembre 2013.
– « L’ « octobre rouge » chilien et la naissance des cordons industriels », par Franck Gaudichaud, Le Monde diplomatique, septembre 2013.
Ouvrage :
– Stade National 1973, Le Chili les yeux bandés, de Jolge Montealegre (1973).
Film documentaire :
– Chacabuco, Memoria del silencio, de Gaston Ancelovici (2022) ; avec des extraits des témoignages de Jorge Montealegre, Rafael Salas, Andrès Crisosto, Adam Policzer, Angel Parra, Roberto Zaldivar, et Mariano Requena.
Poèmes :
« Poema uno », de Rafael Eugenio Salas Cabrera, septembre 1973 (traduction extraite de l’ouvrage Stade National 1973, Le Chili les yeux bandés pré-cité).
« Asi es el choquero » de Jorge Montealegre, janvier 1974 (traduction et voix originale extraites du film Chacabuco, Memoria del silenicio pré-cité).