Peindre les animaux comme personnes

LIBÉRATION ANIMALE

Peindre les animaux comme personne(s)

Entretien avec Willène Pilate

L'enfant du boucher et de la charcutière est animaliste. Elle a grandi à Sarcelles et dessine des animaux sacrés qui vous zieutent jusqu'au fond de l'âme.
Récit d'un parcours labyrinthique sans "chimen chyen" mais plein d'entêtement et de ravissement. Où l'on découvre que le mot "peintresse" existe depuis le XIIIème siècle.

Par Cases Rebelles

Février 2025

Comment aimerais-tu te présenter ?

Je me présente toujours comme une artiste animaliste et non pas animalière parce qu’il y a une vraie démarche éthique dans mon travail. Mon but c’est, à travers ce que je fais, de faire avancer la société, faire réfléchir à notre rapport aux animaux, aux autres, à la souffrance des autres.

Quels ont été tes cheminements à la fois dans le travail artistique, et dans ton rapport aux animaux ?

J’ai l’impression que mon cheminement artistique et mon cheminement animaliste sont très liés. J’ai toujours aimé dessiner depuis que je suis toute petite : c’était pour moi ma petite bulle de tranquillité. Tant que je dessinais, je n’étais pas en contact avec une famille qui était difficile. J’ai grandi avec un père violent . Il se trouve que ce père était aussi boucher ; . Pour moi, tout ce qu’il était ça a longtemps été associé à de la violence. Je me souviens que quand on était petit·es, quand j’allais faire les courses avec ma mère on passait au supermarché où il travaillait - il était ouvrier en supermarché - et il sortait de l’arrière, de la chambre froide avec son tablier couvert de sang, et puis derrière lui y avait des carcasses, des demi-vaches, des demi-cochons, et pour moi c’était vraiment cauchemardesque.
Plus jeune, j’ai découvert que ce que je mangeais c’était des animaux parce que ma mère elle m’a dit un jour : "Mange ton lapin". J'étais là : "Ah !!! Lapin… comme l’animal ?!" Je pense que je devais avoir 5-6 ans. J’ai tout de suite voulu arrêter de manger des animaux, sauf que j’avais pas le choix. On m’a jamais laissé le choix dans la famille de manger des animaux ou pas.
La troisième chose par rapport aux animaux c’est que j’ai grandi avec un chien que j’adorais vraiment, que je considérais comme un membre de la famille, et quand il est mort ça a été un vrai choc parce que j’ai eu l’impression de perdre une personne extrêmement précieuse… J’ai perdu une personne extrêmement précieuse pour moi. Tous ces facteurs mis ensemble m'ont amenée à me dire : "Mais en fait je ne peux vraiment pas manger des animaux, je suis en train de manger des personnes quand je mange des animaux". A 16 ans je suis devenue végétarienne. Ça n' a pas été facile parce que… déjà j’ai grandi dans une famille de bouchers-charcutiers - ma mère était charcutière en supermarché où mes parents se sont rencontrés - et aussi parce qu’à l’époque où je suis devenue végétarienne - c'était 1997 - c’était vraiment pas simple de parler des animaux, de dire : “Je veux plus manger d’animaux”, “je le fais pour les animaux que de devenir végétarienne”. Et donc j’ai été pas mal bolossée à l’école par les autres élèves, j’ai été jugée folle par ma famille. On m’a prédit que j’allais mourir de mes carences, etc. Voilà mon parcours. Et pendant ce temps là, je rêvais aussi de devenir artiste mais comme je venais d’une famille d’ouvriers c’était vraiment un rêve inatteignable pour moi. Je l’ai mis de côté pendant des années, jusqu’à dernièrement.

Pendant toutes ces années tu continuais à dessiner ?

J’ai toujours dessiné et j’ai toujours voulu être créative. Du coup je me suis dirigée vers les arts à la fac. J’ai réussi à aller à la fac, déjà c’était une vraie victoire, en travaillant à côté, tout ça. J’ai fait une fac de cinéma, c’était vraiment pas si loin de l’art. Mais en venant d’une famille pauvre, en étant une femme racisée, c’est vraiment pas facile de percer dans le cinéma. Et donc ça a été des années compliquées, mes années d’études, et mes années après les études aussi.

Que dessinais-tu avant ? Tu avais des thèmes de prédilection ?

Je dirais que mes thèmes de prédilection c'était les femmes. J'aimais bien me coller à dessiner de tout mais je dessinais surtout des femmes. Et finalement au lycée j’ai commencé à dessiner des spectres, voilà (Rires.). Donc bon j’ai touché à pas mal de choses et après mes années d’études j’ai peint deux, trois tableaux de femmes un peu comme des saintes justement, avec de la lumière qui venaient de leur visage. Plus tard quand je me suis mise à dessiner des animaux, je me suis dit que c’était parfait de recoller à cette vision des choses et d’en faire des sortes de saints.

Est-ce que tes parents formulaient leur rapport aux animaux, et comment un chien est arrivé dans ta famille ?

C’est intéressant parce que ce chien c’est juste une voisine qui nous l’a donné. Je pense qu’il n’y avait aucune volonté d’avoir un animal, c’est juste arrivé. Ce chien qui s’appelait Diabolo, il était un peu à la même enseigne que nous : il a subi pas mal de violences. Et je pense que pour mon père, la violence qu’il faisait subir à la famille c’était quelque chose de normal. Je pense que lui-même il avait grandi dans une famille violente, même si tous les éléments que j’ai par rapport à ça c’est des éléments rapportés par ma mère parce qu’il nous a jamais partagé sa vie. Je sais qu’il a eu une enfance difficile en Guadeloupe. Et finalement la violence c’était juste de l’éducation pour mon père. et la manière dont il traitait les animaux c’était juste normal en fait. Il disait "c’est des animaux ils sont là pour ça", comme nous les femmes on était là pour faire le ménage par exemple. Je sais pas comment mieux le dire c’était juste "normal" pour lui. Et il disait par exemple : "les cochons c’est super intelligent, mais ils sont là pour être mangés”. Il les voyait comme des ressources. Pour ma mère c’est un petit peu différent, mais elle aussi j’pense qu’elle pense que les animaux sont là pour ça, pour être mangés. Ça a un peu changé aujourd’hui avec nos discussions mais... j’ai l’impression qu’il y a un aspect normé de manger des animaux pour mes parents, voilà c’est juste normal.
Derrière la viande, y’a aussi l’aspect affectif de donner des choses qu’on considère comme bonnes, souhaitables, et s’en extraire c’est pas facile. Même pour nous les végés, par rapport à l’aspect affectif, c’est quand même refuser de l’affection qu’on nous donne et c’est pas du tout facile, c’est vrai. Moi ça a été compliqué avec ma mère notamment qui pensait que c’était une lubie qui allait me passer. Et du coup y avait pas mal d’incompréhensions et je pense un peu de honte d’avoir une fille qui rejette à ce point-là, partout où elle va quand on l’emmène en famille, cette affection et cette norme ; ça devait pas être facile. Même si aujourd’hui elle comprend complètement pourquoi je le fais, elle continue à penser que l’exploitation animale ça changera jamais. Y a quelque chose de vraiment très immobile dans la vision du monde de ma mère . Pour elle, le monde ne change pas, ne changera jamais. Pour les familles c’est un long travail d’intégration.

 

À partir de quand rencontres-tu des complices sur cette voie-là, et quand  ton militantisme sort-il du cadre familial ?

En fait, ça a pris vraiment beaucoup de temps. Quand je parlais du fait que j’avais été harcelée à l’école tout ça, ça a vraiment atteint ses buts, je pense. Au bout d’un moment, j’ai arrêté de parler des animaux. Quand on me disait : "Pourquoi t’es végétarienne ?", je disais : "Ah ben j’aime pas la viande", "pour ma santé" - des choses qui étaient fausses. Mais pour éviter que ce soit un conflit perpétuel, que ça me mette tout de suite dans une position où je dois me défendre... ça a duré pendant des années de juste éviter le sujet des animaux. Et donc un jour une des mes amies devient végétarienne et en soirée y a un mec qui demande : "Et du coup pourquoi vous êtes devenues végétariennes ?" et elle lui répond : "Moi c’est pour les animaux mais Willène c’est pour autre chose”. Et moi je fais: "Hein !? mais moi aussi c’est pour les animaux !" Je me suis rendu compte à ce moment-là à quel point j’avais arrêté de parler des vraies raisons ; ça c’était l’année 2013 je pense. En 2014, cette amie me dit : “Ah ben y a cette association qui recherche des bénévoles” ; c’était pour participer à la Veggie Pride. Et donc on a rejoint, en tant que bénévoles, la Veggie Pride, et c’était vraiment génial de se retrouver d’un coup avec des gens qui pensent comme nous et l’année suivante je suis devenue présidente de la Veggie Pride. Voilà, c’est comme ça qu’a commencé mon militantisme.

Est-ce que tu as connu une interruption dans les activités créatives ?

En fait, pendant toutes ces années après les études ça a été des petits boulots, beaucoup de petits boulots pour survivre et je suis tombée en dépression. J’ai eu beaucoup de difficultés à travailler entre 2005 et 2013 je dirais. Et du coup j’ai commencé une thérapie en 2014. Là, j’ai pu me soigner et me débarrasser de pas mal de choses qui m’entravaient dans la vie. Le militantisme ça m’a aussi remise sur les rails, de pouvoir organiser des événements tout ça. Et j'ai commencé à redevenir doucement créative il y a peut-être deux, trois ans... vraiment à pouvoir articuler des pensées approfondies, écrire des textes. C’était pas encore le dessin, mais c’est revenu petit à petit en tous cas.

Quelles ont été les premières occasions de partager ton travail avec d'autres personnes ?

Ça a été vraiment de faire des cadeaux, pour tou·tes les proches, les ami·es proches. Ma famille vit maintenant en Guadeloupe : mon père est retourné vivre là-bas en 1999 et ma mère en 2000. J’ai plus de famille à Paris où je vis. Je vis en banlieue parisienne. Je vis et travaille à Sarcelles. Et je me suis vraiment créé un cercle d’ami·es que je considère comme ma famille aujourd’hui. Leur faire cadeau de dessins, d’affiches, etc. ça a été ma reconnexion avec le dessin, la création artistique. Petit à petit, ça a été : "Ah ben je vais faire tel ou tel projet", pas seulement pour des ami·es mais pour moi. Après je me suis dit que je pourrais concilier mon militantisme et ma création et c’est comme ça que j’en suis venue à vraiment dessiner et peindre des animaux.

Est-ce que tu peux expliquer comment se déroule le processus créatif ? Et peux-tu aussi nous parler des différents concepts qui animent ton travail, comme la sacralité et cette force d'interpellation que tu mets dans les yeux ?

Quand j’étais jeune j'ai peint deux, trois tableaux qui vraiment avaient cette inspiration religieuse ; à 16, 17 ans je fraudais le RER pour aller sur Paris et je dessinais un petit peu tout ce que je croisais, et notamment quand il faisait froid j’allais me poser dans les églises pour dessiner. Pour moi, l’art religieux c’est vraiment une inspiration. Je suis pas croyante, j’appartiens pas à une religion mais ça a été vraiment très inspirant de pouvoir avoir accès à cet art-là gratuitement, et du coup j’ai beaucoup dessiné en m’inspirant de l’art religieux. Plus tard, quand j’ai commencé à dessiner des animaux pour moi c’était vraiment très important de réussir à dessiner des animaux qui expriment une personnalité, en tous cas qui nous interpellent, où vraiment on a l’impression de voir une personne et donc je passe beaucoup de temps, je mets beaucoup de soin à faire les dessins et notamment le dessin des yeux : pour moi c'est vraiment important qu’on puisse se connecter à leur âme. Une fois que j’ai fait ce dessin j’utilise la photocopie pour essayer de jouer sur la taille, intensifier les noirs ou les désaturer. Et aussi parce que la photocopie ça crée plein de fois la même image, et c’est un peu l’image qu’on a des animaux aujourd’hui dans nos sociétés : c'est-à-dire qu’ils sont tous interchangeables. Moi je veux que cette photocopie, elle devienne unique. À travers mon tableau, je fais d’une photocopie un individu unique. Et donc une fois que j’ai vraiment les photocopies qu’il me faut, avec tous les éléments qu’il me faut, je viens coller ces éléments sur une toile et je viens envelopper le dessin d’or, de la peinture dorée, des copeaux d’or ou des feuilles d’or, et j’habille l’ensemble de noir pour donner cet aspect sacré quasi religieux. Je tiens beaucoup au côté sacré, que l'animal que je vais dessiner devienne sacré. Et je veux vraiment ressentir la beauté en regardant mes tableaux. Au fond, j’aimerai créer une nouvelle religion (Rires.) où le respect de chaque individu est au cœur de la religion, j’aimerais parler à autre chose que la raison des gens. j’aimerais bien toucher un autre point de qui nous sommes, toucher à notre spiritualité.
C’est un peu du hasard, de la chance que d’avoir dessiné longtemps dans les églises. J’avais pas de projet autour de ça. Je pense que ça m’a beaucoup influencée pour ce que je fais maintenant mais à l’époque c’était des lieux gratuits, ouverts à tout le monde… Je trouve ça vraiment précieux d’ailleurs ; en tous cas, pour ma trajectoire ça l’a été. Mais c’est vrai que depuis que je me suis dit que j’allais devenir artiste, ce rêve que j’ai toujours eu, j’ai commencé à pratiquer longuement le dessin animalier et c’est vrai que mes années de militantisme avant ça m’avait vraiment fait voir les animaux d’une autre manière. J’étais végétarienne depuis longtemps mais j’étais, je pense, pas antispéciste. D’ailleurs c’est difficile de déconstruire le spécisme. C’est vraiment quelque chose de très profond que de hiérarchiser les espèces dans nos sociétés. Et heureusement, d'avoir eu accès à toutes ces lectures, toutes ces conférences, toutes ces images, j’ai vraiment commencé à voir les animaux complètement différemment. Aujourd’hui je les vois complètement comme des personnes. Je ne peux pas voir, par exemple, une image où ils sont entassés dans un camion sans me mettre à leur place pleinement. Mon empathie pour eux, elle est très très grande. D’avoir cette empathie m’a permis de développer cet art où vraiment je prends un grand soin au dessin. Je pratique beaucoup. La pratique, la pratique… Je pratique beaucoup le dessin animalier pour leur rendre l’hommage le plus proche possible de ce qu’ils sont.
Une fois que j’avais décidé de dessiner des animaux et de faire le genre de tableaux que je fais, j’ai vraiment dessiné continuellement des animaux. Et j’ai eu aussi l’occasion l’année dernière de participer à un cours de dessin animalier organisé par la mairie de Paris, qui m’a aussi pas mal aidée à encore améliorer mon dessin.

Est-ce que tes parents ont vu ce que tu fais aujourd’hui ?

Ma mère l’a vu et elle trouve ça bien. Mais je pense vraiment que pour mes parents c’est difficile d’imaginer que ça puisse être un vrai métier. Ça a toujours été difficile. Quand je disais petite que je voulais être artiste c’était déjà : "Mais c’est pas un vrai métier en fait. Faut que tu aies un vrai métier". Et donc ça reste de l’ordre, pour ma mère, du loisir, de la lubie en fait (Rires.). C’est un peu drôle à dire mais je pense que ma vie entière, pour ma mère, c’est une vie de lubies : que ce soit le militantisme, que ce soit l’art, que ce soit la végétarisme ou le véganisme, ma prise de position pour les animaux, tout ça c’est de la lubie mais y a rien de concret ou de vraiment sérieux pour elle.

Est-ce que tu peux nous parler de ton (tes) exposition(s) actuelle(s), nous dire comment ça s’est fait et ce que tu exposes ?

J’ai eu la chance, dès que j’ai commencé à peindre ces tableaux, d’être exposée tout de suite. J’ai pu être exposée à la Maison des Arts de la ville d’Antony quasiment tout de suite après avoir fini mes premiers tableaux, et j’ai de la chance mes expositions se suivent pas mal. Et là dernièrement j’ai eu la mairie du 18ème arrondissement pour une semaine, avec le titre "Personnes animales". Et c’était vraiment bien parce que le soir du vernissage j’ai eu aussi un moment de lecture où j’ai lu un texte que j’ai écrit sur Diabolo, le chien avec lequel j’ai grandi. Et du coup c’était vraiment génial. Là en ce moment j’expose toujours dans l’espace d’exposition de la librairie Utopia qui est dans le 5ème arrondissement de Paris. Dans cette librairie ce qui est marrant c’est que j’y suis allée un peu par chance, à l’occasion du vernissage d’une copine féministe J’ai parlé de l’expo qui était en cours avec la responsable d’exposition, et je lui ai demandé : "Et vous exposez parfois sur les animaux ?" "Ah non, les animaux c’est vrai que c’est un peu un angle mort de notre programmation". Et j’ai dit : "Ah ben ça tombe bien, je suis artiste et je peins des tableaux d’animaux, des portraits d’animaux." Elle m’a dit : "Pourquoi pas, ça serait bien qu’on en parle." Et finalement, on m’a proposé l’espace, de décembre à mars, pour exposer mes tableaux.
L’exposition s’appelle “Sentientes”, j’y expose des portraits de personnes animales, vache, poule, truie, et aussi un grand portrait de pieuvre que j’aime beaucoup - donc faut vraiment la voir !

Quelles sont tes influences ? J'ai vu que tu mentionnes Rosa Bonheur.

Mes influences, j’avoue que je les ai un peu trouvées sur le tard. Je me suis lancée sans artiste particulier en tête. Comme je disais j’ai vraiment été influencée par le religieux mais pas un art religieux en particulier. Je cite Rosa Bonheur parce qu’elle peignait des animaux et elle en parle des fois très bien en évoquant leur âme par exemple, mais avant de me lancer j’avais pratiquement jamais vu de tableaux d’elle. Il y a aussi des artistes que j’aime beaucoup comme Leila Fanner ; c’est une artiste sud-africaine qui peint des femmes noires vraiment très bien avec peu de détails et beaucoup d’ornements, j’aimerais bien plus m’inspirer d’elle. Je peux pas dire que ça a été en amont l’une de mes influences mais j’espère qu’elle va le devenir.

Comment fais-tu le lien entre ton engagement animaliste et d'autres sujets comme le féminisme, l'antiracisme, etc. ?

C'est vrai que d'avoir grandi dans une famille pauvre en banlieue nord et loin de toute influence qui aurait pu m’aider à réaliser mon rêve de devenir artiste, ça a été une souffrance parce que ça a pris du temps d’en arriver là où je suis. Même si aujourd’hui quand je regarde mon parcours je le trouve génial. C’est vraiment bien d’avoir surmonter tout ça mais c’est vrai que ça a été assez dur et en même temps je pense que cette sensibilité que j’ai, ma capacité d’empathie et de compassion et d’ouverture à la souffrance de l’autre et d’ouverture à ce que vivent les autres, à ce que sont les autres, eh bien je le dois au fait d’être une femme noire qui a grandi dans la pauvreté, avec tout ce que ça comporte de violence et d’injustice. Tout ça c’est à la fois une force et une faiblesse. J’pense qu’aujourd’hui j’ai beaucoup et souvent besoin de reconstruire ma confiance en moi mais aujourd’hui j’y arrive tout le temps, et ça c’est aussi grâce au milieu militant, tout ce que ça a pu m’apporter d’amitié, de réflexion, de compréhension de ce que je vis aussi… C’est pas toujours évident de se rendre compte de ce qu’on subit ou du fait que c’est pas normal ou que ça devrait être autrement ; tout ça c’est au milieu militant que je le dois, que ce soit les milieux animalistes, féministes, etc. J’en suis vraiment très très reconnaissante. Je me sens vraiment très chanceuse, et aujourd’hui comme mon art est sans arrêt en évolution je pense parler des animaux en l’associant à d’autres choses de mon vécu peut-être. En tous cas pour moi c’est important dans les écrits que je suis en train de faire en ce moment de parler aussi d’autres choses que je vis. Là j’écris des contes qui sont sur les femmes de ma famille et j’aimerais qu’ils contiennent plein d’éléments progressistes, sur les animaux mais aussi d’autres sujets. Et c’est comme ça que je veux continuer à avancer, en faisant vivre tout ce que je suis, tout ce que j’ai traversé ; en le faisant vivre à travers l’art.

J’ai bien l’intention de continuer. Je compte écrire pluset j’ai aussi envie de faire des expos plus grandes avec des sculptures d’animaux, faire du street art, parce que le street art c’est quand même aussi une de mes sources d’inspiration. Faire vivre les animaux partout, tout le temps dans l’art.

Interview réalisée le mercredi 15 janvier
Pour suivre Willène sur les réseaux : Site personnel - Instagram