Voici un texte écrit et dit en voix-off par Michaëla Danjé, membre de Cases Rebelles, dans une séquence de notre documentaire « Dire à Lamine ».
Que se passe t-il quand des policiers, sous prétexte d’une interpellation, étranglent, étouffent, écrasent leurs victimes ?
La police met en œuvre des techniques violentes et létales qui empêchent le souffle, la respiration, un mécanisme dont un corps ne peut être privé sous peine de mourir très rapidement : tout le monde le sait.
Soumis à cela, il est plus que naturel de chercher à respirer à nouveau, de ne pas se laisser écraser, réduire à néant, en se débattant pour échapper à la mort.
Ce serait une aberration d’un point de vue du pur instinct de survie, et même du plus simple réflexe corporel, que de se laisser étrangler, écraser. Si on connaît la violence de la police, ça l’est encore plus.
Or les policiers continuent à étrangler, écraser et ils prétexteront ensuite que l’individu ne cessait de se débattre, donc qu’il n’acceptait pas de ne pas respirer.
Les policiers s’acharnent et tuent parce qu’ils refusent que leur victime manifeste son existence et son souhait de continuer à exister.
Le fameux acte de rébellion dont est coupable Lamine DIENG est donc le suivant :
il a voulu respirer sous le régime de la suprématie blanche.
Michaëla Danjé_Cases Rebelles (février 2018)
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ADDENDUM [Attention : description de tortures] : Durant l’esclavage, l’attirail d’entretien de la terreur regorgeait de ce type de supplices qui consistaient à coincer les personnes noires réduites en esclavage dans des situations où ne pas réagir était impossible et où réagir provoquait une souffrance insupportable. Il en est ainsi par exemple de la cage de fer : « Une cage de fer de sept à huit pieds carrés, à claire-voie, est exposée sur un échafaud. On y renferme le condamné placé à cheval sur une lame tranchante, les pieds portant dans les étriers. Bientôt le défaut de la nourriture, la privation du sommeil, la fatigue des jarrets toujours tendus font que le patient tombe sur la lame ; mais selon la gravité de la blessure et l’énergie du condamné, il peut se relever, pour retomber encore. Cette torture n’a pas de limite fixe et peut durer trois jours« .1 ; de même, il y avait des instruments tels que le mors, la muselière, la boise ou pièce de bois autour du cou, pour punir le marronnage, l’entrave de cou à quatre branches (un collier à longues tiges dont les bouts en crochets empêchaient l’esclave de se cacher dans des fourrées s’il ou elle s’enfuyait de nouveau mais aussi de se reposer ou de s’allonger), le supplice de la barre, une poutre percée de deux trous qui enserraient les chevilles et forçaient à rester sur le dos, le supplice du carcan avec un bâillon frotté de piment dans la bouche, le masque de fer qui s’installait au niveau de la tête et qui visaient à perturber au maximum les fonctions les plus essentielles comme la respiration, la salivation, le mouvement de la langue, la déglutition, etc. Sous l’effet de la chaleur, il provoquait également de graves brûlures au visage.
- Daniel Maximim, L’isolé-soleil, Seuil. [↩]