La Fondation Idriss Stelley contre les violences policières

Publié en Catégorie: AMERIQUES, BAY AREA, POLICES & PRISONS, SANTE LUTTES HANDIES ET PSY, TRANS & QUEER LIBERATIONS

Mesha Irizarry Il a y cinq mois nous recevions Leroy Moore, activiste handi vivant à Oakland. Celui-ci dans son interview nous parlait notamment de l'assassinat d'Idriss STELLEY par la police de San Francisco, le 13 juin 2001. Il nous expliquait comment ce meurtre l'avait poussé à l'époque à prendre conscience de la violence spécifique qui frappe les personnes vulnérabilisées du fait de leur état mental, et plus généralement les personnes handies. Il nous avait parlé aussi de Mesha IRIZARRY, la mère d'Idriss, de son investissement pour la communauté, son combat pour son fils et toutes les victimes de la police, à travers la Fondation Idriss Stelley créée en 2003.

Nous avons rencontré Mesha. En Août 2014, chez elle dans le quartier Bay View.
Une rencontre d'une intensité rare.
Dans un entretien d'un peu plus d'1h, elle nous a parlé d'Idriss, de son assassinat et des violences policières en général. Mais aussi de l'enfant qu'était Idriss, de l'adulte qu'il devenait, de cette personne que nous refuserons désormais d'oublier.
Mesha nous a raconté également son parcours de la France à San-Francisco, son histoire de mère irrémédiablement blessée, de lesbienne fière et libre, de militante humble et déterminée.

Au-delà de l'interview (à écouter ici également), au delà des mots, ce qu'on espère que vous entendrez c'est un peu de toute la beauté et de la force qui habitent Mesha Irizarry.

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(Toutes ces années, tu me répétais depuis bébé) :
« Maman!
Ne sois pas lâche !
Dis la vérité ! » (extrait de "Where is the truth", un poème de Mesha Irizarry)

J’étais directrice de 3 refuges quand mon fils est mort, à Hillwood. Et ça a été un choc, y a pas de mots pour décrire ça. Tu sais ils lui ont tiré 48 balles. Il était bipolaire probablement, il n’avait pas été diagnostiqué encore. Et le pire c’est que sur son portable j’ai vu qu’il avait appelé la police, il avait appelé le 911 lui-même 9 minutes avant de mourir, donc il devait se sentir confus. Et bon depuis ce temps-là, 2001, j’ai fait une tentative de suicide 8 mois après parce que la diabolisation et le harcèlement par la police et tout le conservatisme c’est atroce après des histoires comme ça. Et il était mon fils unique, je n’avais pas de petits enfants. Donc à ce moment-là j’ai été internée en psychiatrie, après en maison de repos pendant 5 mois et quand je suis sortie j’ai établi la Fondation Idriss Stelley . Ça porte son nom mais ce n’est pas à propos de mon fils ; c’est pour apporter de l’appui moral, légal et social aux gens qui ont perdu quelqu’un à cause des violences policières. Donc c’est tout ce que j’ai fait depuis maintenant 13 ans que mon fil est mort.
Je vais te montrer mon fils, il est là…

Il avait 23 ans quand il est mort. Il était très beau, et très paisible, tu sais les gens l’appelait le chaman parce qu’il conseillait toujours les autres.

Il était trilingue comme moi. Mais beaucoup plus intelligent que moi. J’avais un mélange d’envie et d’adoration parce que je ne pouvais jamais le battre aux échecs, ou au scrabble. Il me disait toujours : « apprends-moi tout ce que tu sais » ; j’ai appris beaucoup plus de lui que lui de moi.

Tu sais Idriss était très « psychic »1 et quand il était petit - il avait 4 ans je crois – il était très en colère après moi, il m’a dit : « tu devrais faire attention parce que dans la prochaine vie je serai ta mère » ; je me suis « oh la la » (rires), c’est drôle ça…

Je viens de passer son anniversaire, c’était le 20 août, il aurait eu 37 ans, et pour moi c’est comme hier, j’ai jamais pu remonter. Bien sûr y a le travail social au travers de la fondation qui me maintient avec un but, mais la douleur ne s’en va pas. C’est tout le contraire. Parce que les gens oublient. Y a tellement de cas de violences policières, les gens me demandent : « Ah oui Idriss Stelley, y a 20 ans n’est-ce pas ? » ou « Oui ça me dit quelque chose, j’ai pas vu sa photo depuis longtemps ». On a oublié parce que les cas les plus récents maintenant sont des cas "sensation". Tu sais, dans cette société maintenant, une crise, un drame remplace l’autre très très vite : y a 2 mois c’était « Kill the gay bill » avec les atrocités contre les gays en Ouganda, au Niger ; et après c’était « Bring back our girls » on veut que nos 200 jeunes filles reviennent, et puis après c’était 300 ; après c’était Gaza, « La boucherie des enfants par Israël », ce qui est vrai ; et puis maintenant c’est Mike Brown. Alors c’est toujours une crise, une horreur remplace l’autre. Même les gens qui sont engagés politiquement et socialement ils s’excitent sur le dernier truc, tu vois, donc quelque chose qui s’est passé y a 20 ans ou 13 ans ou 5 ans, c’est fini. Et parce que les gens sont bombardés rapidement de crise à crise, ils deviennent blasés . C’est difficile de les mobiliser parce que soit ils s’enferment dans une action, « Non, je milite seulement sur la question des maladies orphelines », « Non, je milite seulement à propos de l’Irak », etc, « Non, je milite seulement contre le réchauffement climatique ». Sans jamais relier les points, alors que tout est lié. Ou ils regardent les horreurs : « oui bon ben moi ça ne fait rien parce que je suis bouddhiste, Om… » C’est difficile de faire comprendre à nos camarades qu’on ne peut pas s’enfermer avec une chose, que tout est relié je pense à l’économie mondiale. Je ne pense pas que les flics sont plus diaboliques que le reste de la société ; ils sont encouragés à être brutaux.

Tu connais l’origine de la police aux États-Unis ? Il y a 400 ans c’était les chasseurs d’esclaves2 ou les gens qui était des condamnés – la plupart c’était des condamnés qui s’achetaient une nouvelle vie dans le "nouveau monde" ; c’était des italiens, c’était des irlandais qui étaient payés au centime sur le dollar pour chasser et tuer les esclaves qui essayaient de s’échapper. Et c’est comme ça que s’est créée l’institution de la police aux États-Unis. Si tu regardes l’arbre généalogique de certains flics italiens ou irlandais tu peux retourner à leurs ancêtres qui étaient des chasseurs d’esclaves. J’ai rien contre les italiens ou les irlandais, mais c’est un phénomène sociologique important à propos duquel il faut éduquer les gens. Les gens qui sont « brown »3 ou noirs doivent comprendre que pour ces gens-là, c’est toujours la plantation, rien n’a changé. C’est pour cette raison que maintenant les blancs disent : « Rendez-nous notre pays » ; ils veulent leur pays d'avant les Droits civiques.

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J’ai toujours été lesbienne toute ma vie. Je ne peux même pas te dire combien d’amantes j’ai eu parce que c’était la folie dans les années 70, tu sais. Je chassais toutes les jupes de la ville. J’ai même eu du sexe avec des hommes pour l’argent, ou par ambition pour obtenir des choses. C’est marrant de voir une petite vieille qui te dit ces trucs-là, mais enfin bon… Mais j’étais avec une femme « off and on » toute ma vie, elle était musulmane noire de Philadelphie donc elle se cachait, personne ne pouvait savoir ; et j’ai élevé ses 4 enfants avec le mien.

Idriss est né en 1977, j’étais avec son père parce que je voulais essayer de vivre la vie des gens « normaux » mais j’ai pas pu, c’est impossible ; après un an je me suis barrée, je ne pouvais pas. Mais au moins j’ai eu un enfant ; je voulais avoir un enfant. Il est toujours en contact avec moi, il m’appelle, il me dit : « Arrêtes de faire toutes ces bêtises à San Francisco, il est temps que tu viennes à New York pour t’occuper de moi ». Typique mentalité macho, tu vois. J’essaie même pas de répondre, c’est pas la peine.

Idriss est allé au French American International School jusqu’au 9e grade - ce qui est l’équivalent de la 2nde en France. Il était très ami avec la fille de Dany Glover, Mandisa Glover, parce qu’ils étaient dans la même classe. Et y avait pas beaucoup de noirs à la French American School ; ils disaient « Oh nous ne sommes pas racistes, nous avons 27 nationalités ». Ça ne veut rien dire d’avoir 27 nationalités, c’était toujours quand même dirigé par des blancs, avec la mentalité blanche. Même je me souviens : mon fils avait 14 ans et il a embrassé sa petite amie qui était blanche sous le préau ; la famille de la blanche qui payait – moi j’avais une bourse pour mon fils noir – a demandé qu’il soit suspendu. Il a été suspendu pendant 2 semaines pour un baiser consensuel ! Donc à la fin de l’année je l’ai sorti de là.

Comme Idriss était un génie, il avait un QI de 147, il était super…. L’école c’était pas idéal pour lui, donc il a fini en Independent Studies. Et en fait il était tellement brillant qu’avant de passer son bac il enseignait déjà en tuteur dans un lycée à Wallenberg, il enseignait l’espagnol et le français. Et à City College, qui est l’université gratuite, il enseignait les maths et l’espagnol; dans un programme pour les migrantEs sans papiers qui cherchent du travail, tous les jeudis il enseignait l'anglais. Et tout ça gratuitement. Il était très artiste, il faisait beaucoup de dessin et de peinture. Il s’est converti à l’islam à 17 ans, ce qui lui a donné beaucoup de force et de concentration, tu sais. Mais après il était plus intéressé par les spiritualités orientales ; il est resté musulman par principe mais il regardait dans d’autres religions. Quand il est mort il parlait deux langues asiatiques, le français, l’espagnol bien sûr, l’anglais, et le dialecte camerounais de sa marraine. Idriss a travaillé avec moi en volontaire sur les tâches du SIDA ; il faisait de l’impro avec des imitations, il allait de chambre en chambre pour faire rire les gens, il leur ramenait des cookies. Il enseignait l’aérosol dans le quartier Fillmore. Il était le plus jeune acteur dans la San Francisco Mime Troupe quand il avait 7 ans. Il n’y a pas de limites à ce qu’Idriss aurait pu faire dans l’avenir.

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Bien sûr il aurait du être stabilisé à cause de sa bipolarité, mais il y a beaucoup de bipolaires qui fonctionnent. En fait les périodes de haut c’est quand le trait de génie se manifeste, avant la dépression. Il était vu par un conseiller à Mission District, et il m’avait dit plusieurs jours avant sa mort : « je crois Maman que je vais essayer de prendre des médicaments, je suis contre mais je vais essayer pour voir si ça m’aide ». Mais il avait la prémonition de ce qui allait se passer la semaine d’avant ; il m’a dit en anglais : « Maman, la vérité est tellement horrible, que si je te dis ce que c'est tu vas perdre la tête ; tu ne pourras pas le supporter ». Et le jour où il est mort il a dit à sa fiancée, Summer : « je vais mourir ce soir ». Il le savait, il le savait.

Pour le distraire elle l’a amené au cinéma, au Metreon ; ils passaient un film qui s’appelle Swordfish avec Travolta. Et dans les premières minutes du film Idriss a allumé une cigarette, un "doobie", et le gardien est venu lui dire : « éteignez-ça », et il a répondu : « vous et quelle armée va me faire arrêter ? ». Et il s’est levé et a dit aux gens autour de lui : « si vous avez de la famille ou des gens qui vous aiment, sortez maintenant parce que quelque chose de mal est sur le point d’arriver ». Et mon fils, il faisait 80 kilos, un noir très musclé, ils l’ont vu agité et tout le monde est parti. Sa fiancée qui était allée aux toilettes revient, le trouve seul dans la salle et lui demandé : « Chéri, qu’est-ce qui se passe ? » et lui a dit : « va dans ta famille, je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose ». Et par respect pour mon fils elle est sortie, et elle m’appelle ; elle me dit : « Idriss se conduit étrangement, qu’est-ce que je fais ? »Je lui ai dit : « Bon écoute, appelle les services d’urgence pour qu’il soit admis en psychiatrie, à l’étage psychiatrique ». Elle me dit : « d’accord », et le portable s’est éteint. Je la rappelle et je l’entends qui dit : « Ma, il y a des flics partout ! Ils disent qu’Idriss a une arme, mais il n’en a pas ! »Et j’ai entendu les 48 balles dans le téléphone. Je ne savais pas ce qui c’était passé, je me dis « bon ben Idriss a un revolver, quoi ». Et je suis allée à l’hôpital général de San Francisco pour voir s’il était arrivé, ils m’ont dit « non, il est mort sur le coup ». En fait tout son cerveau a volé, le cou, la poitrine, les bras, l’abdomen, les cuisses et derrière les mollets. Donc ils ont du lui tirer dessus quand il essayait de sortir, et quand il s’est retourné ils l’ont fini.

La police m’a interrogée. J’aurais du dire « je ne veux pas être interrogée, ne me parlez pas, je ne suis pas coupable », mais je viens de perdre mon seul enfant, donc je comprends plus rien. Je les suis au service homicide. Ils m’ont interrogé pendant 5 heures, pour savoir des choses sur lui pour essayer de l’incriminer. Quand ils m’ont laissée sortir à 5h30, j’appelle sa nana, et je lui dis « Summer, Idriss est mort », et elle savait pas qu’il était mort, parce qu’ils l’ont sorti par une porte de derrière, pas par la porte principale. Et je l’entends hurler : « Motherfuckers !… » Ils lui ont dit tout le temps pendant son interrogatoire à elle - qui a duré autant que le mien, on était dans une salle différent, on savait pas - chaque fois qu’elle demandait : « comment il va ? » - les gens l’appelaient « E4 » - on lui disait : « ne t’inquiète pas chérie, il va bien, ça va aller ». Pour essayer de lui tirer les vers du nez le plus possible. C’est horrible ces méthodes ! Tu sais je me dis : où est l’humanité ? Quand est-ce qu’ils se transforment en bêtes ? Les bêtes en fait sont plus humaines que nous ! Qu’est-ce qui se passe là ?!

Donc deux ans après je suis allée suivre un « training »5 à l’Académie de police, parce que je voulais comprendre, saisir la philosophie institutionnelle ; comment c’est possible ?  Donc je suis allée faire la formation. Et y avait des passages difficiles, par exemple j’ai pas voulu prendre le tir sur cible, c’était trop pour moi. Mais par exemple on nous a appris les points de pression pour infliger des douleurs insupportables pour que les gens s’arrêtent, ou comment appuyer sur la carotide pour que quelqu’un meurt. Pas le « chokehold »6 où tu appuis sur la carotide, la personne s’évanouit, elle ne meurt pas. Donc c’est pas vrai qu’il doivent se protéger la vie en tuant, parce qu’on nous a appris comment ne pas tuer et contrôler. Et je me souviens aussi pendant toute la formation - c’était quand même 15 semaines, c’était horrible pour moi de le faire mais je voulais comprendre – on nous disait constamment chaque semaine : « rappelez-vous, vous n’êtes pas des travailleurs sociaux, vous n’êtes pas des psychiatres ; vous tirez toujours au centre de gravité » On pensait toujours : « Pourquoi on ne tire pas dans les jambes, pourquoi on ne tire pas dans le les fesses ? » « Non, on tire au centre de gravité toujours, c’est-à-dire à la poitrine, au cou, à la tête ». C’est la formation de base : tirer au centre de gravité…

Idriss voulait des enfants, il était incroyable avec les enfants ; avec les bébés il était comme une mère, tu vois. Et bon c’est pas arrivé ; ils essayaient d’avoir un enfant mais c’est pas arrivé. D’un côté pour moi ce serait plus facile parce que je verrais son sourire, je verrais ses réactions à travers les enfants. Mais la vie des enfants dont les parents ont été tués par la police est extrêmement difficile. Comment veux-tu avoir de l’auto-estime quand tout le monde te dit : « ah oui ton père c’était un con dérangé » ? Tu vois, bon… Donc peut-être c’est aussi bien ; ce serait plus facile pour moi mais ce serait pas facile pour les enfants.

Idriss était très intense et intransigeant. Je vais te montrer un poème que j’ai écrit sur ça. Il voulait toujours savoir la vérité, il disait : « soyez honnêtes, pas de "bullshit" s’il vous plait, soyons honnêtes ». J’ai gardé longtemps son service de téléphone parce qu’il avait son répondeur qui disait : « dites toujours la vérité, tout ce que je vous demande c’est d’être honnêtes s’il vous plait ». Et j’écoutais sa voix comme ça, pendant 2 ans.

Tu sais cette année j’ai perdu mon bureau, la maison où je l’ai élevé, et je suis devenue malade, les poumons, donc tout ça est arrivé avec une telle rapidité, une telle intensité que je suis en choc. Mais j’ai pas le droit d’être en choc parce que y a trop de gens qui me disent : « il faut être forte ».

C.R. : Tu habitais où avec Idriss ?

C’était sur Bay View. J’avais acheté la maison pour lui. Tout est parti. Il est enterré sur la colline au-dessus de Bay View ici ; ces cendres sont enterrées, on a fait un rituel avec... Il adorait les oiseaux, donc on a enterré une plume d’aigle avec lui, avec ses cendres. Et la maison était si près de la colline, je sortais le matin je disais : « Salut E ! ». Maintenant je ne peux pas, je ne peux plus.

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Le numéro que tu as appelé c’est notre ligne de crise (Fondation Idriss Stelley) ; je réponds 24h/24, y a des gens qui appellent de partout pour des avis, ou pour des ressources légales, ou simplement pour parler. Typiquement les appels sont à 2h du matin ; tu sais que les hormones changent vers 2h du matin, les gens deviennent plus anxieux et ils souffrent davantage, ils sont plus déprimés ; la plupart des suicides se commettent à cette heure-là. Et souvent les gens qui n’ont pas pu trouver un avocat, ou qui sont mal entendus, ou qui sont marginaux m’appellent, ils s’en réfèrent à moi parce que ACLU7 , Ella Baker8 , même des avocats me les envoient parce qu’ils veulent pas être dérangés avec ces gens-là, tu vois. Les clients sont à 90% noirs ; le reste sont latinos, et j’ai très rarement une personne blanche. La dernière blanche avec qui j’ai travaillé c’était un dispatcher de SFPD9 qui avait été Maire de Palo Alto et qui avait été assailli par la police la nuit de Noël donc ça l’a… Il est venu chercher des services, le flic !

Notre dernière victoire a été d’organiser ici une campagne pour bloquer le contrat entre Taser International et la police de San Francisco. C’était la 4e fois qu’on a réussi à bloquer le contrat. Ils essaient toujours parce qu’il n’y a que Memphis et San Francisco nationalement qui n’ont pas le Taser, donc ils veulent assurer ce contrat ici. Et sans argent, avec une poignée de volontaires on a arrêté la police pour faire ça. Ce qui les a vraiment foutu en l’air c’est que nous avons contacté Officer For Justice qui est organisation d’officiers noirs et de femmes noires aussi, qui sont agents de police mais avec une mentalité un peu plus un peu plus libérale, et ce groupe-là s’est opposé au Taser. Ils sont venus témoigner donc le chef a du dire : « non, bon d’accord, San Franciso n’est pas prêt pour les Tasers ». Et on a aussi organisé… parce que l’université de l’État voulait équiper leur police avec le Taser, encore une fois on a fait la même chose, on a organisé les étudiants, et on a arrêté le projet.

Quand je dis "nous", nous sommes : Jeremy Miller – je crois qu’il a 35 ans – Rebecca Lichter – qui a 30 ans. Nous sommes trois à Idriss Stelley Foundation. Donc c’est pas vrai qu’il faut avoir beaucoup d’argent et des subventions et faire beaucoup de publicité pour faire ce que nous devons faire. Mais on ne fait pas de publicité sur l’agence, c’est par le bouche-à-oreille, et avec trois personnes ça suffit. Au départ c’était juste moi, des stagiaires de temps en temps, ça suffit.

Le travail est très dur, y a beaucoup de gens qui appellent, qui demandent à nous voir, qui sont très endommagés émotionnellement, donc tu deviens l’objet du déplacement de la colère. Je me souviens de cette femme qui avait 94 ans, qui était aveugle, qui vivait dans une voiture avec ses enfants, et qui était harcelée par la police. Son nom était Mama Bessie ; c’était quand Bush était encore président. Je l’ai interviewée dans une station de radio, je lui dis : « Mama Bessie, tes derniers mots pour les auditeurs avant qu’on rende l’antenne ? » et elle dit : « Euthanasiez Bush ! » (rires) C’était adorable. Mais ses fils eux-mêmes ils étaient très racistes. J’étais contemporaine de leur époque et ils me disaient des trucs horribles sur les femmes, les lesbiennes, les juifs, les noirs… Je disais : « Hey pardon, qui c’est qui vous a donné un logement gratis pendant 4 mois, qui est-ce qui vous a trouvé un HLM ? », « Oh oui mais toi c’est pas pareil, tu es l’exception qui confirme la règle ». Je dis : « non pas du tout, pas du tout. Il faut arrêter ces trucs-là », mais je ne pouvais pas les arrêter, c’était déjà là.

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Mon père est séfarade, donc moi je suis un quart noir, ça ne se voit plus du tout parce que ma mère était très blanche. Et lui il l'était à moitié. Donc ma génération ça ne se voit plus. Mon frère si, mon frère on voit qu’il est juif mélangé avec blanc et avec noir. (Mes origines) du côté de ma mère c’est français basque. Donc voilà le produit final, on ne sait pas trop ce que c’est. Je me souviens y avait une vieille femme où j’habitais avant, j’attendais le bus - elle a 70 ans, elle est artiste, elle est noire - elle s’arrête au bus et elle me dit : « Vous savez je ne veux pas vous manquer de respect, mais est-ce que vous ne seriez pas un peu nègre ? » (rires) Je lui ai dit : « oui, nous avons un peu toutes sortes de nuances… » (rires)

Mais pour moi ça a été très signifiant que je suis arrivée ici parce que j’ai la peau blanche. Je n’avais jamais pensé en terme de privilège blanc ou parce que les noirs que je connaissais étaient à l’université avec moi et étaient fils d’ambassadeurs, donc ils avaient pas connu le racisme, au Béarn et au Pays basque on les traitait super bien parce qu’ils étaient des fils de politiciens. Mais pour la première fois quand je suis arrivée j’ai compris que cette société ici est complètement polarisée racialement. Il faut se conformer à se mettre dans une boîte. « Salut ! Je suis John, je suis noir » ; « Salut ! je suis Stéphanie, je suis transgenre en convalescence », « Salut ! je suis Stuart, je suis un survivant d’inceste ». C’est comme s’il y avait une pyramide, tu mets la cerise au-dessus de la chantilly qui influence tout le reste et ça influence tout le reste et ça devient le truc principal ». Et si maintenant je retournais chez moi et que je disais : « vous savez, moi je suis lesbienne », ils me diraient : « Mais t’es malade ? tu aimes la couleur verte, tu as été professeur, et tu as du sexe avec les femmes ; pourquoi ça devient tellement important ? » C’est pas de l’homophobie, c’est une conception plus inclusive de qui tu es. Mais ici tu dois afficher tes couleurs: « Je suis une lesbienne ainée handi non-blanche ».

 [...] Ça a été très compliqué pour moi quand j’ai grandi durant la guerre d’Algérie ; dans ma famille il y avait des kabyles qui habitaient en Algérie, qui se battaient contre les français, et il y avait un soldat français qui était à la guerre en Algérie, qui revenait en permission. Je me disais : « mais qu’est-ce que c’est ça ? Dans la famille qui sont les bons, qui sont les méchants ? » Quand j’étais une petite gosse je pouvais pas comprendre. Et on m’avait foutu à l’école catholique, chez les sœurs de Nevers parce que l’éducation était supérieure c’est vrai, mais elles nous inculquaient la peur et la haine de l’Arabe ; elles nous disaient : "un arabe c’est quelqu’un qui va vous poignarder dans le dos, qui va vous trahir, qui va vous violer". Ça m’a pris jusqu’à… quand j’avais ton âge j’ai réalisé que c’était de la connerie ; intellectuellement je savais tout au long que c’était de la connerie, mais émotionnellement ce genre d’éducation m’avait marquée.

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Justice pour Idriss Stelley

"Idriss Stelley a été touché par plus de 20 tirs et tué par des officiers de police de San Francisco au Cinéma Metreon.
Il n'y a aucune explication raisonnable à l'usage d'une force mortelle par l'officier de police.
NOUS DEMANDONS :
- L’examen complet de la réponse meurtrière de la SFPD aux personnes en détresse mentale !
- Stop à la dissimulation ! (la communication de toute information utile à la famille d’Idriss – y compris les noms des témoins !)
- le lancement d’une enquête criminelle indépendante ! La Commission de Police doit appeler à une vrai enquête par un procureur spécial.
La prescription de la SFPD pour les problèmes de santé mentale : LA MORT
La réponse de la SFPD aux meurtres par des officiers de police : GLISSER ÇA SOUS LE TAPIS
Ne laissez pas les meurtriers d’Idriss s’en tirer à bon compte ! Joignez-vous à la famille et aux amiEs d’Idriss ! Aidez-nous à forcer la Commission de Police de San Francisco à conduire une VRAI ENQUETE sur ce meurtre inutile d’un jeune homme par la police".

Tout de suite je me suis rendue compte que c’était une question de profilage racial, c’était pas une question de mon fils. Il boxait à la Police Boxing Gym, il connaissait des tas de flics ; moi je donnais une formation au Sheriff Department et SFPD à propos de l’intervention non-violente. Bien sûr quand mon fils est mort, ils ne m’ont plus demandé de venir assurer la formation.

La première chose que j’ai faite c’est du lobbying, faire la campagne et pousser le Superviseur à ordonner une formation de 40h de tous les officiers sur la santé mentale. D’abord le Maire a dit non. Mais comme je suis citoyenne française, passeport français et que mon fils avait la nationalité franco-américaine, j’ai écrit à toutes les ambassades françaises du monde, et j’ai envoyé un appel disant : « Bloquez le tourisme à San-Francisco, jusqu’à ce qu’ils arrêtent de tuer les gens qui sont fragiles émotionnellement ». Je faisais partie de ADFE, l’association des français à l’étranger, à ce moment-là. 75 ambassades ont répondu et menacé le Maire d’arrêter le tourisme. Et il a approuvé la formation. Je ne l’ai jamais publié, c’est pas important que les gens sachent que 75 ambassades l’ont forcé ; moi ce qui m’intéresse c’est le résultat.

Deux ans après… Dans la Commission de la police ils étaient tous nommés par le Maire. On allait leur présenter des cas ou demander leur intervention. Je me souviens d’un qui dormait sur son bureau. Donc j’ai poussé pour l’adoption d’une proposition, la proposition H, pour réformer la Commission de police. J’ai obtenu qu’il y en ait 3 qui soient nommés par le Superviseur, représentant les intérêts du peuple, et 4 par le Maire. C’est quand même davantage de chances que les décisions, 4 contre 3, soient conservatrices mais au moins on peut travailler pour qu’un des membres nommés par le Maire ait un vote décisif, de notre côté. Donc ça je l’ai fait en 2004.

Et quatre fois j’ai organisé la communauté contre le Taser, depuis 2003 jusqu’à maintenant. Et on a gagné à chaque fois. C’est quelque chose dont je suis fière. Mais sur le sujet du « training »10 aujourd’hui, il y a seulement 23 officiers formés. Et l’année dernière une qui avait suivi toute la formation a tué un homme cambodgien schizophrène ; son nom était Pralith Pralourng11 . Elle l’a tué ! Et elle a le training complet. Donc aucune formation ne change la philosophie de base. « Nous sommes là pour attraper les méchants. Nous sommes là pour protéger les riches, les blancs et les intérêts capitalistes ». La police c’est ça.

Une fois en cour d’appel à New York, là finalement la police a dit : « Vous savez, notre rôle est de maintenir l’ordre, ça n’est pas nécessairement de servir le peuple ». Ils l’ont dit.

Maintenant je suis juste investie dans les cas locaux de personnes récemment tuées : Alex Nieto12 , Victor Vialpando13 en Arizona, Yanira Serrano14 à Pacifica (CA), Adrian Parra15. Chaque fois que je vois que quelqu’unE a été tuéE et qu’il n’y a rien derrière, je fais un site internet, un groupe Facebook et j’amène des fréquentations sur le site pour que les gens commencent à s’organiser, aller aux rassemblements, lever des fonds, etc. C’est ce que je fais. Parce que je suis ici la plupart du temps, mes poumons sont foutus, je dois faire de l’oxygène le soir. Quand les gens veulent que je vienne parler à une conférence, ils viennent me chercher et ils me ramènent ici. Mais c’est de moins en moins maintenant. Au début on me disait : « oh, Madre, on t’aime, on a besoin de tes conseils! » tout le temps, et finalement un an plus tard… Non c’est la vie, les gens ont des gosses ou ils ont des vies, et des boulots, et je ne vois pratiquement plus personne. Et je comprends. Il faut faire la place aux jeunes. Mais certains viennent pour me dire « bon j’ai pas besoin de réinventer la roue, je peux vous demander : d'où est-ce que je reprends ? Qu’est-ce que je fais et où maintenant ? »

Nous avions un bureau sur Palou et Church Street jusqu’en 2008 lorsqu’ils ont augmenté le loyer à 200 $. Je n’ai pas 200 $ par mois ! On n’a jamais voulu du statut d’ONG parce que ça implique d’avoir un sponsor fiscal qui décide ce qu’il est approprié de faire pour toi, et bien assez tôt si tu veux des fonds, tu te retrouves à l’intégrer à ton agenda. Donc on a décidé qu’on n’en voulait pas.

On a trouvé un bureau à partager avec un journal socialiste où on payait simplement 225 $ donc je pouvais. Mais après notre colocataire est parti et le propriétaire a continué à élever le loyer. Et nous sommes partis au de mai dernier. Et maintenant c’est ici Idriss Stelley Foundation, je reçois les gens dans la salle commune en bas ou on va au parc. J’administre plus de 100 groupes, c’était 98 la semaine dernière, y en des nouveaux maintenant parce qu’il y a plusieurs cas qui viennent finalement en cour fédérale à Oakland ou à San Francisco, après des années et des années de lutte. Mais plus de 100 groupes c’est vraiment trop, je travaille jusqu’à 2h du matin. J’ai besoin de volontaires qui prennent un ou deux groupes chacun. Y a des groupes qui sont low-maintenance, mais tous les groupes en mémoire des gens qui sont morts c’est beaucoup plus difficile ; y a des infiltrations, il faut vraiment regarder chaque membre pour voir d’où il vient, ce qui se passe, il faut regarder tous les posts pour être sûr que c’est approprié. Donc ça demande du temps.

Le 19/11/2005, rassemblement devant la prison de San Quentincontre l'exécution de Stan "Tookie" Williams.Stanley Williams a été exécuté par l'Etat de Californie le 13/12/2005.

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Deux ans après je voulais aller en cour fédérale, mais mon avocat m’a dit qu’on avait changé le juge, le juge fédéral que j’avais initialement, qui était une bonne juge, pour Saundra Brown Armstrong qui était une ancienne procureur qui adore les flics et déteste les affaires contre les flics. On m’a dit qu’elle allait nous jeter hors de la cour au bout de 2 jours. Donc mon avocat m’a dit : « soit tu acceptes un accord, soit je laisse tomber ». Et j’ai eu peur de le perdre, donc on a accepté un accord. On a été devant un juge à la retraite, avec une chef de la police et le procureur de la ville, Dennis Herrera ; et la chef de police m’a dit pendant la réunion « Je suis désolé pour ce qui est arrivé à votre fils, c’est une chose terrible et nous allons faire en sorte que ça n’arrive plus jamais ». Ça ne m’a pas impressionnée, je savais qu’elle disait ça parce qu’on était en médiation, que ça ne serait pas la version officielle. Donc quatre mois plus tard, en août 2003, il m’ont alloué un demi-million de dollars, dont 5% sont allés à l’avocat, j’ai investi 200 000 dans le journal San Francisco Bay View pour renforcer la propriété noire dans (le quartier de) Bay View, et j’ai gardé 700 000 pour moi, pour ouvrir la Fondation Idriss Stelley. C’est comme ça que ça s’est passé.

Mais à ce moment-là quand on m’a alloué de l’argent, je n’allais pas le dépenser comme ça, tu ne peux pas me donner l’argent du sang de mon fils pour aller m’amuser ou aller à Cancun, « vas te faire foutre, je ne me sens pas mieux parce que tu m’as donné de l’argent ! » Mais ensuite il y a eu beaucoup de haine envers moi de la part de gens qui n’avait pas obtenu un accord, qui avait perdu une affaire, comme si je m’étais vendue, en acceptant l’argent. Je n’ai pas l’impression d’avoir vraiment eu le choix mais à présent je préfèrerais ne pas l’avoir eu cet argent, parce que c’est l’argent de ceux qui paient les impôts, ça ne vient pas de la police. Mais des gens m’écrivaient et me demandaient : « Alors c’est super tu vas pouvoir changer de coiffure à chaque passage à la télé ? » « T’as déjà acheté ta BMW ? » Ça te blesse vraiment au plus profond .

Je me souviens du commentaire d’un flic qui disait « une femme stupide qui a le syndrome de Münchhausen par procuration ; elle se sent populaire à travers la mort de son idiot de fils ». Et c’est là que j’ai fait une tentative de suicide. J’ai vu ça et je me suis dit : « j’en peux plus »…

Le travail (de la Fondation) a été dur parce que nous subissons beaucoup de harcèlement. Nos sites web sont fermés tout le temps. Un jour on a reçu près de 90 virus, tu sais. Ma technicienne ne savait pas comment s’en sortir, elle a juste essayé de nettoyer les ordinateurs. On reçoit aussi des menaces de mort, des centaines, adressées au bureau. On est infiltrés par la police. Nous avons découvert après quatre mois qu’une de nos stagiaires était un officier de police à plein temps, payée 5 000 $ par an et elle venait faire la petite fille hip-hop en stage à la Fondation Idriss Stelley…

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La seule chose qui apaise ma douleur c’est quand mon fils me visite la nuit. Je ne sais pas si c’est réel, si nos défunts, nos ancêtres nous visitent la nuit, mais pour moi ça n’a pas d’importance si c’est mon cerveau qui provoque, si c’est une hallucination nocturne qui m’apaise.

La dernière fois qu’il m’a visitée c’était y a deux nuits, et y avait des énormes hologrammes dans cette chambre partout, et y avait un type qui avait fait des énormes hologrammes avec des photos de mon fils dansant à l’intérieur d’un océan, mais des trucs admirables. Et le type me disait « bon nous avons décroché un contrat, ça va être global ». Et je me suis réveillée vraiment rassérénée... Mais des fois c’est pas comme ça. La nuit avant son anniversaire je lui ai demandé « S’il te plait, viens me voir cette nuit » et tout ce dont j’ai rêvé ce jour-là c’est d’une salle de conférence plein de flics, et j’essayais de la traverser. Idriss n’est pas venu ce jour-là. Des fois, il vient avec ma mère qui est morte aussi. Ils sont morts à sept mois d’intervalle. Et je me rappelle ce rêve duquel je me suis réveillée à la fois en pleurant et en riant. Ma mère est venue dans ma chambre, s’est assise sur mon lit, m’a touché gentiment et m’a dit « tu devrais arrêter de pleurer parce qu’on est toujours là, tu ne peux nous voir que la nuit mais nous sommes là ». Je savais qu’il y avait cet homme dans le fond qui était vieux et chauve, et qui portait des lunettes sur le bout de son nez. Ce vieil homme était vraiment le Idriss que je ne connaitrai jamais ; "qui est ce vieil homme ?" - il avait 23 ans quand il est mort. Et il est venu près d'elle, m’a regardée fixement et m’a dit : « tu ne sais pas qui je suis ? » J’ai répondu : « oh mon Dieu, oui, Idriss tu es si vieux ! » Et il a tapoté sur ma poitrine avec son doigt et m’a dit : « est-ce que tu écoutes ce que ta mère te dit ? Écoute ta mère ». Et je me suis réveillée. Ma mère se parfumait avec l’Air du temps de Nina Ricci ; je me suis réveillée et son odeur était dans la chambre ; elle a disparu après quelques secondes. Mais c’était un rêve très prophétique pour moi.

Je vais te raconter un autre rêve marrant que j’ai fait. J’ai été mariée à un homme portoricain gay ici, pour avoir ma Green Card. Et il est mort du SIDA en septembre 1986. Après sa mort il est venu à moi dans un rêve avec ses grands cheveux et un large costume comme un costume de clown ; il était comme dans une aura orange et jaune, et il dansait de façon comique. Et je lui ai dit, on venait juste de me diagnostiquer de l’osthéoporose – tu sais la maladie des os - et dans le rêve je lui dis : « tu ne pourrais pas être un peu petit sérieux ? Tu sais, avoir un peu de dignité, merde ; c'est ta mort ! » Il m’a regardé et m’a répondu : « Bitch, tu sais pourquoi tes os sont en train de casser ? Parce que t’as besoin de t’alléger ! » Et je me suis réveillée en riant…

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Je ne vois pas où sont ces dessins récents... Il faisait beaucoup de super-héros, et des choses très sombres comme les Egyptiens, genre anciens égyptiens et tout. Les visages étaient si sombres16 , je veux dire "sombre" au sens de "obscur". Je n'aime pas le mot "sombre" parce qu'il suppose que tout ce qui a une couleur, ou une couleur plus profonde est pire et encore pire. "C'était des temps sombres...", "non, merci beaucoup..."
Tiens pour celui-là il était très jeune... Quand il avait 12 ans il avait un vrai sens artistique ; il dessinait des trucs incroyables.

Dessins et extraits d'un conte réalisés par Idriss.

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San Francisco est une petite communauté. Pour nous les lesbiennes dans les années 80 on était sorties avec tout le monde, genre « oh je connais ton amante et son amante et… » « ok ! trop d’informations ! », tu vois. C’était une grosse communauté incestueuse. On appelait Valencia Street « Lesbos Street ». Et tu sais, il n’y avait pas tant de convivialité entre les gays et les lesbiennes à l’époque. Ils nous appelaient « fish »17 , on les traitait de tout et n’importe quoi. Mais ensuite quand ils ont été malades, on a été les premières à s’occuper d’eux jusqu’à ce qu’ils meurent. Tout d’un coup il y avaient des alliances entre les gays et les lesbiennes. Et après les inhibiteurs de protéase, quand les gens ont eu une maladie avec laquelle ils pouvaient vivre, la distance s’est réinstallée. Ce n’est pas universel mais je l’ai vu sociologiquement, j’ai vu ce phénomène de près pendant la crise du SIDA et la séparation après coup. Et puis ensuite tous les bars lesbiens ont fermé, il restait Amelia, Peggy’s place, à peu près six boîtes lesbiennes dans la ville, Club Q, ils sont tous partis. Peut-être que trop de lesbiennes sont en convalescence maintenant, elles ne sont plus dans les drogues, l’alcool, les les affaires. Mais c’est vraiment à cause des revenus bas que les lesbiennes perdent leurs lieux. Marco’s Café dans le Castro par exemple était un bar lesbien ; elles perdent leurs lieux au profit de nouveaux arrivant tendance ou d’hommes blancs gays riches.

C.R. : Tu étais connectée à la communauté trans ?

Oui, par mon travail avec Shanti Project. Il y avait un bar qui s’appelait Esta Noche, il a fermé cette année. Parce que j’étais conseillère pour beaucoup de personnes trans à notre bureau, pour leur permettre l’accès à des services, un logement, un soutien émotionnel, etc. Je connaissais toutes les trans prostituées (du quartier) de Tenderloin, elles étaient toutes des bénéficiaires à nous. Et avec notre travail avec Projeto Esperanza, j’étais la seule conseillère hispanophone qui venait à l’hôpital général de San Francisco pour travailler avec ces personnes. Et le bar Esta Noche organisait quelque chose et ils m’ont dit de venir pour la Fête des Mères, elles me harcelaient : « Est-ce que tu viens pour la Fête des Mères ? On viendra te chercher pour que tu puisses venir ». Et la surprise c’est qu’elles ont mis une tiare sur mes cheveux et m’ont donné des roses et dit : « tu es notre mère, pour toutes les mères qui nous ont rejetéEs, tu es notre véritable mère à nous ». Ça m’a vraiment touchée.

Je connais aussi Gina Divine qui est une des drag queens, elle se considère comme drag queen parce qu’elle fait beaucoup de spectacles. Elle est très belle. Elle a à peu près mon âge, mais elle ne fait pas son âge. Elle a beaucoup de silicon au visage, il ne bouge plus beaucoup, c’est très beau. Et Gina accueille des Silicon’s Parties chez elle une fois par mois. Il y a une chirurgienne qui vient avec des cosmétiques. Elle vit à Hollywood et elle s’occupe uniquement d’acteurs, et elle vient et participe aux Silicon’s Parties chez Gina. Alors toutes les filles viennent pour avoir plus de fesses et parfois trop de fesses tu vois. Et elles viennent et se font mettre du silicon au visage , se faire faire des transformations avec du silicon. Quelques hommes viennent aussi pour avoir plus de mollets, plus de pecs. Alors elles m’ont amené là-bas parce qu’elles considèrent que je fais partie de la famille ; bien sûr je n’étais pas intéressée par ces trucs pour moi, mais c’était amusant à regarder…

C’est dur pourtant que beaucoup d’entre elles aient à se prostituer parce qu’elles n’ont pas les moyens pour les hormones qui coûtent très cher maintenant, et la chirurgie. À moins que tu ne sois physicien nucléaire, ou flic, tu peux te payer ces choses, mais si tu es de milieu populaire tu ne peux pas. C’est pourquoi beaucoup se résignent à se prostituer. Certaines pensent que la prostitution c’est glamour mais ça ne l’est jamais. Je me souviens quand j’étais conseillère j’allais voir cette femme trans cubaine qui était supposément mourante ; elle était en soins intensifs, intubée. Le médecin nous avait dit : « vous savez on va probablement l’extuber aujourd’hui parce qu’elle est inconsciente et personne ne vient la voir ». Alors j’ai fait : « donnez-moi deux jours », et je suis allée à Tenderloin trouver deux autres filles de Cuba qui travaillaient et qui connaissait Estrella. Elles ont commencé à aller la voir, et ils ne l’ont pas extuber. Et j’essayais de faire du conseil avec elles aussi, tu vois. L’une d’elles était mineure, l’autre avait 18 ans. Et elles parlaient de champagne, et des mecs glamour et des Jaguar, mais je pouvais voir des ecchymoses sur l’une d’elles. Et j’ai voulu leur parler de préservatifs, essayer de les protéger des mecs. Et finalement il y en a une qui a craqué et qui m’a dit en espagnol : « t’es une idiote, tu ne comprends pas nos vies, on est les moins que rien. Elle (Estrella) a de la chance d’être dans un lit propre avec des gens qui s’occupent d’elle maintenant, toute ces infirmières merveilleuses, ça ne nous arrivera jamais à nous, je ne sais pas si je ne vais pas me faire tuer après m’être fait 10 dollar en suçant une bite la nuit ! Elle a de la chance ! Ne viens pas nous raconter n’importe quoi !» Je n’ai jamais oublié ça, tu sais, ce sentiment qu’elles étaient arrivées en bas de l’échelle et que c’est comme ça qu’elles survivaient. Et l’une des deux était mineure...

J’ai vu beaucoup de tellement de personnes mourir durant ces huit années à conseiller des gens à San Francisco. Je connais plus de fantômes que de personnes vivantes. En huit ans j’ai assisté aux derniers moments de milliers de personnes. Une chose qui me reste vraiment, c’est ce gars qui peignait, qui faisait ces énormes tableaux de foules, sauf que les gens n’avaient pas de visages. Et je pense que deux ans avant qu’il meure, il avait demandé à son amant de lui amener ces peintures dans sa chambre. Donc les tableaux étaient accrochés autour de lui, et il m’a dit : « Tu les vois ? Je meurs, je vais finalement voir leurs visages ». C’est quelque chose, non ?

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Tu sais il y a une chose que je voulais te dire, parce que je crois que c’est important : ma famille a été très divisée après la mort de mon fils ; les bourgeois ne voulaient rien savoir, et ceux qui étaient dans les syndicats étaient très proches de moi. Ça séparait la famille. Et aussi, j’ai combattu l’alcoolisme toute ma vie ; j’ai commencé à boire quand j’avais 12 ans, j’ai arrêté à 30. Quand mon fils est mort, j’ai recommencé, pendant un an. Parce que je ne pouvais pas toucher la douleur et la réalité avec mon fils. J’avais l’impression que j’allais complètement perdre la tête, tu vois ; au bord de l’abyme. Donc j’ai bu mais alors des quantités pendant huit mois, pour ne pas sentir ; je ne pouvais pas. Et quand je me suis arrêtée, une semaine après j’ai essayé de me suicider. Parce que quand il n’y a plus l’alcool dans le système pour noyer les émotions, tout était brut, tellement intense, je ne pouvais pas le garder. Mais mon dernier verre ça a été le 15 mars 2005. Et je crois que c’est important de le mentionner parce qu’il y a beaucoup de familles impactées par ce genre de catastrophes qui ont recours aux drogues et à l’alcool pour s’auto-médicamenter. Je crois que c’est important de mentionner que je ne suis pas le petit ange vierge là, tu vois ? Que j’avais une vie, qui n’était pas toujours légale, qui n’était pas toujours morale ; je ne parle pas de l’homosexualité, j’en suis très fière, c’est plutôt la promiscuité, la vente de drogue. J’ai fait des tas de trucs, tu sais j’suis vieille. Maintenant je suis « la matrone », la matrone jubilée ! (rires) Mais c’est important je crois de mentionner au moins l’alcoolisme comme un adjuvant pour éviter la douleur intense, parce qu’il y a des tas de gens qui vont dire : « oh elle parle de ça, ça m’arrive aussi, c’est bien qu’elle en parle », etc.

C.R. : Et après la tentative de suicide...

Oh ils m’ont carrément foutue en psychiatrie pendant trois jours et après ils m’ont envoyé en maison de repos pour clients psychiatriques. Et c’était très blanc, j’étais mal-à-l’aise. Et après ils m’ont transférer dans une autre dans le quartier Mission ; moi j’étais avec les latins. Le staff latin c’était bizarre parce que la directrice des programmes c’était une femme que j’avais supervisée moi il y a des années ; quand j’ai vu Celia j’ai dit : « Oh ok, non, on ne travaille pas ensemble, tu ne peux pas être ma conseillère ». Et je suis restée dans le système psychiatrique comme ça pendant sept mois, et après je suis rentrée à la maison, j’ai commencé le travail pour la Idriss Stelley Foundation.

On a aidé plus de 6000 personnes en 13 ans ; parce que c’est pas juste local : à travers la ligne de crise il y a des gens qui appellent de partout. Pas des appels internationaux mais de tous les États-Unis .

Quelques fois j’ai collecté des fonds pour des crémations, des enterrements, ou quand les gens veulent honorer les personnes qu’ils aiment, lors des anniversaire par exemple, Idriss Stelley Foundation donne beaucoup d’argent. Comme pour Juanita Young, une femme noire qui est aveugle à New York, elle allait être expulsée avec ses sept enfants et on lui a envoyé 2500 $. Pour la crémation de Kenneth Harding j’ai rassemblé 2000 $ également. Ça ne demande pas nécessairement d’argent de trouver de l’argent, des fonds, envoyer des emails...

Et typiquement ce sont les pauvres qui font des dons. C’est rare, je crois, on peut compter sur les doigts d’une main quand il y a eu des dons de 5000 $ ; c’était en général des politiciens qui voulaient avoir l’air bien. Tu connais l’artiste Jonathan Richman ? (Il) a donné 5000 $ par convictions personnelles. Michael Franti, de Spearhead, il habitait dans la même rue que moi, et il a fait trois apparitions impromptues à notre gala et il a fait la surprise d’y jouer. Il a vraiment été là pour nous. En fait lui et Ben Harper ont mis un bandeau « Justice pour Idriss » pendant un an sur leurs sites internet respectifs. C’était vraiment très gentil.

Ça sépare les familles et spécialement quand il y a une donnée d’argent, un accord. Et malheureusement on attire beaucoup de politiques, une attention non désirée, comme le Parti communiste noir, Carl Dix m’a envoyé des gens qui m’ont fait regarder des vidéos de Bob Avakian sur mon magnétoscope ; Idriss était mort depuis deux semaines, je ne savais pas ce que je regardais. Et des gens qui, juste avant les élections aussi, viennent : « est-ce que je peux visiter la Fondation Idriss Stelley ? Pouvez-vous me donner des idées pour ma plateforme de campagne ? Pouvez-vous regarder si j’ai une bonne plateforme ? » Donc on se retrouve avec plein de gens qui nous veulent, spécialement les affaires difficiles ; les gens arrivent de nulle part, parce qu’ils veulent avoir l’air et se sentir importants par association, être autour, être vus pour être populaires. Et dès que l’affaire est terminée on ne les voit plus. J’ai appris à mes dépens cette année-là que les camarades politiques ne sont pas des amiEs ; une fois qu’ils n'ont plus besoin de moi, ils s’en vont. Maintenant ça ne me fait plus rien, c’est juste que je le sais.

C.R. : Est-ce que tu dirais, par rapport aux gens qui appellent, par rapport à toi, à l’histoire d’Idriss, qu’il y a des moments qui te font ressortir la douleur ?

Oui, tous les anniversaires : l’anniversaire de son meurtre, son anniversaire. La Fête des Mères c’est l’horreur pour moi, c’est l’horreur ; j’essaie de prendre des pastilles pour dormir et dormir 24 heures, je ne peux pas supporter. Toutes les fêtes ; on célébrait Kwanzaa avec ma femme et les cinq enfants, tu sais Kwanzaa dure huit jours, neuf jours. Et c’est très pénible pour moi de le faire sans lui, je ne suis plus capable. Mais le fait d’être dans la position d’aider les autres, ça me donne une sorte de guérison indirecte, guérison émotionnelle transcendantale au travers de l’aide que j’apporte aux gens en état de crise, ça me permet de me distancer de la mienne mais d’une manière saine, où je peux mettre mon expérience en route pour les aider. Je parle jamais de moi ou mon fils, c’est à propos d’eux ; pour leur donner des outils vers des ressources.

"Where is the truh?"

Open letter to my dead,
and only, AfriKan Child
Idriss "E" Stelley
VeryTruly yours, Forever,
Mesha, (Idriss Stelley Foundation)

6 years ago, "E"
a week before
your killing
by SFPD
you sat me down,
held me down,
to tell me
Your eyes locking,
deep into mine,
intensely:"The TRUTH,
is so frightening, Ma
Your soul could not bear it"
To lighten
the cloud of doom,
- premonitory gloom -
We drove to Bakers Beach
We danced, fought
laughed, and played
on Your Warrior Path
Through icy waters,
We built, from grey sand
a giant Sphynx
Bearer
of Ancestral Truth
The night before
your murder
with your dog Nanok
You ran to your favorite creek
at Candlestik
and built
from rocks, branches and sand
the True Gates of Heaven
encasted
Jeweled glass chips
polished by Bay waves
under the Arch, reading:
~ T H E T R U T H ~
(All these years, kept telling me
Since a baby): "MA !
Don't be a Coward !
Tell The Truth !"
The Truth. About Injustice.
Inequalities. Corruption.
Racial Profiling. Pollution.
Games People Play.
Games that People
Sooner or later,
Pay.The Truth. Only The Truth.
Nothing but the Truth.
(Kept protesting, pulling away):
"Nah, Ain't no coward !
But see...immigrant here...
First generation...don't make waves...
Got to stay safe, so...
YOU Tell the Truth, for me, "E" !..." Your very last words
to thugs in Blue,
Them Laughing,
You,
Falling
under deadly fire
Your brain splattered
on theater's seats
in Metreon's Hell
alone and frightened,
but Proud:'Tell the truth !
THE TRUTH !"I got it, "E"From now on
Ever since, finally
Understood
Seek the Truth,
Expose the Truth,
Live,
and Breathe,
The Truth.Your Truth,
AfriKan Child.
my Truth.
Our People Truth.True Hope
True Fighters
Keepers
of the TRUTHRest in Peace, "E"...
Go now, let us be...
I'm fine...
"not to worry..." We'reTRULYB U S Y

Lettre ouverte à mon fils décédé,
mon enfant Unique, AfriKain,
Idriss « E » Stelley
Très sincèrement, à jamais,
Mesha (Idriss Stelley Foundation)

Il y a 6 ans, « E »
une semaine avant
que tu ne sois tué
par la SFPD,
tu m’as fait asseoir,
en me tenant,
pour me dire
Ton regard fixe
plongé profondément dans le mien
intensément :« La vérité
est si effrayante, Ma
ton âme ne pourrait la supporter »
Pour dissiper
ce nuage sinistre
- prémonitoirement ténébreux –
Nous avons roulé jusqu’à Baker Beach
Nous avons dansé, chahutés,
ri, et joué
sur Ton Chemin de Guerrier
À travers les eaux glacées,
nous avons bâti, avec du sable gris
un Sphinx géant
Porteur
d’une vérité ancestrale
La nuit avant
ton meurtre
avec ton chien Nanok
Tu a couru à ta crique favorite
à Candlestick
et construit
avec des pierres, des branches et du sable
les Vraies Portes du Paradis
incrustées
d'éclats de verre précieux
polis par les vagues de la Baie
sous l’Arche où on lisait :
~ LA VÉRITÉ ~
(Toutes ces années, tu me répétais
depuis bébé) : « MA !
Ne sois pas lâche !
Dis la vérité ! »
La Vérité. Au sujet de l'Injustice.
Les inégalités. La corruption.
Le profilage racial. La pollution.
Les jeux que les gens jouent.
Les jeux que les gens
Tôt ou tard
Paient.La Vérité. Seulement la vérité.
Rien que la Vérité.
(je continuais à protester, refusant) :
« Nan, c'est pas de la lâcheté !
Mais tu vois…une migrante ici…
Première génération… ne fait pas de vagues…
Se doit de rester à l’abri, alors…
TOI « E », dis la vérité, pour moi!…"
Tes tous derniers mots
Aux voyous en bleu
Eux riant,
Toi,
tombant
sous le feu mortel
Ton cerveau éclaboussant
les sièges de cinéma
dans l’Enfer du Metreon
seul et effrayé,
mais Fier« Dis la vérité !
DIS LA VÉRITÉ ! »
J’ai compris, « i »
Désormais
Depuis ce moment, finalement
J’ai compris
Chercher la vérité,
Exposer la vérité,
Vivre,
et respirer,
La Vérité.Ta Vérité,
Enfant AfriKain.
Ma Vérité.
La Vérité de notre peuple.
Espoir Vrai
Combattants Vrais
Gardiens
De la VéritéRepose en Paix, « i »…
Va maintenant, laisses-nous…
Je vais bien.
« ne t’inquiète pas… »
Nous sommes VRAIMENT O C C U P É .E. S

* * *

Cases Rebelles remercie vivement et chaleureusement Mesha.
Interview réalisée le 29 août 2014.

Cette interview est dédiée à toutes les victimes des violences policières des États-Unis à la France et leurs familles.

Quelques liens :

Mesha Irizarry : https://www.facebook.com/lamesha.irizarry?ref=ts&fref=ts
Idriss Stelley : https://www.facebook.com/idriss.stelley?fref=ts
Idriss Stelley Foundation : https://www.facebook.com/groups/116337228453342/
Idriss Stelley Foundation : (coordonnées) http://www.sanfrancisco.com/idriss-stelley-foundation-b264321

  1. médium, voyant []
  2. slave catchers []
  3. latinos []
  4. "E", [i] en anglais, pour Idriss []
  5. entrainement spécial, formation des policiers en matière de santé mentale []
  6. clé d’étranglement pratiquée avec le bras autour du cou d’une personne []
  7. American Civil Liberties Union []
  8. Ella Baker Center for Human Rights []
  9. San Francisco Police Department []
  10. entrainement spécifique, formation des policiers en matière de santé mentale []
  11. 32 ans, tué le 18 juillet 2012 par la policière Mary Godfrey. Godfrey a été décorée par la police en septembre 2013 pour son "comportement pendant la confrontation" avec P.Pralourng alors que l'enquête sur sa mort n'était pas terminée. - https://www.facebook.com/groups/263355497110440/?fref=ts []
  12. 28 ans, tué à San Francisco par la SFPD le 21 mars 2014 - https://www.facebook.com/groups/721427181211650/?fref=ts []
  13. 16 ans, tué par la police de Española (NM) le 8 juin 2014 - https://www.facebook.com/groups/303972356429085/?fref=ts []
  14. 18 ans, tuée par la police le 4 juin 2014 - https://www.facebook.com/groups/1427336664203023/?fref=ts []
  15. 19 ans, tué par la police le 19 avril 2014 à Salton City- https://www.facebook.com/groups/511298888993394/ []
  16. "dark" []
  17. en anglais dans l'interview []