Il y a 226 ans exactement, le 10 mai 1795, José Leonardo Chirino, noir libre, fils d’un père noir esclave et d’une mère amérindienne1, menait une insurrection dans l’Ouest du Vénézuéla à Coro. Les revendications étaient les suivantes : liberté pour les africains esclaves et abolition de l’esclavage, établissement de ce qui est nommé à l’époque « la loi française » – c’est-à-dire un régime démocratique – suppression des impôts et taxes payés par les amérindiens, et suppression de l’aristocratie blanche. Les insurgé·e·s allaient d’abord rencontrer quelques victoires et parvenir à occuper quelques haciendas avant d’être arrêté·e·s par les miliciens de la colonie en large supériorité numérique. Le mouvement n’arrivera pas à dépasser l’Ouest du pays, mais il constituera une perturbation importante de l’ordre colonial. José Leonardo Chirino est perçu à juste titre comme un précurseur anti-esclavagiste et anti-impérialiste. Certain·e·s veulent même voir en lui le premier socialiste vénézuélien.
José Leonardo Chirino était ouvrier agricole sur une ferme appartenant à José Tellería. Bien qu’il soit libre, sa femme et ses trois enfants sont par contre esclaves. La révolte qu’il mène trouve ses bases tout d’abord dans l’injustice des conditions sociales liées par l’esclavage, essentiellement centré au Vénézuéla sur la culture de la canne à sucre. Chirino a l’occasion de voyager avec son patron dans les Caraïbes et par là de se rendre à Saint-Domingue où il sera exposé au mouvement révolutionnaire en cours et aux idées républicaines, liées notamment à la Révolution Française. De retour au Vénézuéla, il rejoint un groupe de conspirateurs au sein de la ferme Macanillas d’où sera lancée plus tard l’insurrection : il est dit que parmi ces conspirateurs se trouvait José Caridad González. José Caridad González était un noir congolais qui militait énormément pour les droits des noir·e·s et jouissait d’une très grande popularité. Cette notoriété fut utilisée par José Leonardo Chirino pour mobiliser les insurgé·e·s en annonçant que José Caridad participerait à la révolte. Ce dernier sera accusé d’être le cerveau de l’insurrection et meurt le 12 mai, lors d’une tentative d’évasion après avoir été arrêté, selon le rapport officiel bien entendu. Il est important de noter que dans le procès de l’insurrection les témoignages sont contradictoires sur la participation réelle de González dans la rébellion ; pour certain·e·s il est le cerveau du mouvement, pour d’autres il n’était pas véritablement impliqué même s’il y a laissé la vie.
La révolte aura été très courte. Lancée le 10 mai elle est stoppée le 12 lorsque le groupe atteint Coro, pour prendre la ville, et est stoppé par les autorités. Chirino ayant appris la défaite, fuit dans les montagnes et essaie de réorganiser des combattant·e·s. Mais la chasse à l’homme est lancée et il est arrêté suite à une trahison. La Cour royale l’a condamné à mort pour trahison. Il est pendu le 10 décembre 1796. Il sera démembré, son corps montré dans différents endroits du pays et sa tête exposée sur la route de Coro, avec celle de trois autres meneurs. L’objectif est bien entendu de décourager tout autre élan révolutionnaire.
Sa fille et ses fils sont vendu·e·s : pour 200, 120 et 150 pesos, respectivement.
Cette rébellion est un événement majeur pour l’histoire révolutionnaire du Vénézuéla, pour les afro-vénézuelien·ne·s et pour tou·te·s les afro-caribéen·ne·s qui ne cessèrent jamais de se lutter contre l’oppression coloniale et esclavagiste. Combats pour nos indépendances, combats pour les Réparations, combats pour nos cultures et nos histoires ; la lutte n’est pas finie!
Cases Rebelles – Mai 2015 (mise à jour 2021)
- à l’époque le terme zambo/zamba désigne les individu·e·s issu·e·s de ce type de métissage [↩]
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