Ce texte, écrit sur les rebords d’une crise, semble s’adresser à un Vous mais je l’ai écrit avant tout pour Nous. Par contre, tout comme je ne sais pas ce que me relire à d’autres moments me fera, je n’ai aucune maîtrise sur ce qu’il peut avoir de « déclencheur », sur le « bien » ou le « mal » qu’il peut faire. J’y parle de névroses obsessionnelles et entre autres de ce qui les provoque, ravive, etc ; c’est mieux je pense d’en être avertiEs avant de poursuivre la lecture.
Ce texte, pour finir, est spécialement dédicacé à Pat, Z, Ciel, FK, cline, Yves, Shn, Tommy.
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Imaginez que votre cerveau diffuse avec une régularité désespérante dans votre boite crânienne des films aux images perturbantes, difficiles voire parfois abominables.
Imaginez que ces images sont telles qu’elles vous amènent régulièrement à faire la grimace.
Imaginez l’effort surhumain qu’il faut pour sourire quand même un peu parfois. Imaginez la violence que c’est quand on vous reproche de ne pas sourire.
Imaginez la complexité, les efforts nécessaires pour rester présentE au monde, aux conversations en cours, aux banalités du quotidien tandis qu’à l’intérieur de votre tête ce petit cinéma continue de défiler.
Imaginez que les mots « déprime », « dépression » soient aussi peu pertinents que l’expression « maux de tête » pour décrire ce que vous ressentez. Vos obsessions ne sont rien de tout ça, même si elles peuvent entrainer en plus ces phénomènes.
Imaginez le bien que ça peut faire de se retrouver avec ses semblables, le bien que ça peut faire de ne plus se sentir sale, torduE, etc. Mais en même temps imaginez l’angoisse, la frayeur de partager parce que votre névrose obsessionnelle se nourrit aussi du mal et des angoisses des autres.
Imaginez l’effet sur cette névrose obsessionnelle d’une société qui vous renvoie constamment une image détestable, menaçante de vous-même.
Imaginez ce que ça veut dire de pleurer, vouloir mourir, de ne plus pouvoir bouger, sortir, d’être obsédéE pendant des mois parce que quelqu’unE a changé de trottoir, a sursauté, a dit quelque chose pour signifier sa peur ou sa méfiance de vous. Imaginez que ces petits actes qui n’ont occupé leur auteurE que cinq secondes puissent vous bouffer, vous dévorer toute joie pour des durées indéterminées, parfois des mois, sans que vous n’ayez aucune maitrise.
Imaginez alors à quel point sortir, interagir avec les autres peut devenir dangereux.
Vous ne savez plus si la névrose a commencé à cause de cette violence-là… cette parano blanche multiforme. Vous en êtes à peu près sûrE mais en même temps aujourd’hui vous vous sentez trop coupable ou trop sale pour être catégorique sur quoi que ce soit.
Imaginez comment cette névrose parasite toute revendication de vos droits puisque vous vous sentez tout le temps coupable, méprisable donc indigne de droits.
Imaginez comment celles et ceux qui le savent s’en servent.
Imaginez alors l’impossible franchise.
Imaginez aussi l’impossible honnêteté parce qu’on veut bien parfois éventuellement être ouvertE au mal être, aux peurs, aux angoisses de « victimes » mais qui est prêtE à entendre des angoisses obsessionnelles de passages à l’acte ? Qui est prêtE à les accueillir sans vous renvoyer des regards, des jugements qui ne feront qu’aggraver les choses ?
Imaginez la douleur de douter régulièrement du réel, de douter de ce que vous avez fait ou pas. Imaginez le travail constant de ne pas croire son cerveau. Le travail que c’est de faire ce travail avec… son cerveau. Imaginez que le fait de n’avoir rien fait de mal après plusieurs décennies de vie ne vous apaise pourtant absolument pas. Ne vous rassure pas.
Imaginez que tout ce que la médecine médicamenteuse vous propose aille souvent avec une part d’anesthésie ; anesthésie de la souffrance donc mais aussi de vous-même.
Imaginez l’horreur et cette complexité : parfois les mauvais événements aggravent votre état et parfois ils apaisent les choses, parce que soudain vous êtes confrontéEs à des urgences plus prenantes.
Imaginez l’horreur et la complexité parce que souvent la névrose explose dans les moments de bonheur les plus intenses : parce que votre cerveau travaille contre vous, consciencieusement contre vous.
Imaginez que l’été, le soleil qui éclate, la chaleur, ne riment pas avec décompression mais avec décompensation et le tour des amiEs qui n’ont pas tenu le choc.
Imaginez.
Et si vous n’y arrivez pas alors imaginez votre chance, prenez conscience de vos privilèges et travaillez ; vous avez du boulot.
M.LA. – Cases Rebelles ( Juillet 2015)