L’émission n°45 du mois de Mai est consacrée au génial Leroy F. Moore Jr, poète et activiste handi noir vivant dans la Bay area de San Francisco. Leroy, que ce soit avec sa poésie, avec des projets comme Krip-Hop, Sins invalid parmi tant d’autres, défie les statuquos sur les questions handies. Violence policière, sexualités, histoires des luttes, valorisation des cultures handies, il est de multiples combats et a recours à un tas d’approches en plus des classiques de la mobilisation militante : journalisme, conférences, débats, ateliers, musique, films, textes poétiques. Il garde par ailleurs une approche radicalement intersectionnelle en connexion pleine et attentive avec d’autres luttes,queer ou féministes par exemple. Avant de commencer l’interview on vous offre un poème de Leroy Moore nommé « I’m A Man, Knowing I’ll Slip Up »1
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J’ai écrit ce poème récemment il y a seulement quelques semaines. Je l’ai écrit parce que les hommes ont tellement de privilèges dans cette société de domination masculine dans laquelle nous vivons. J’essayais de m’adresser à tous les hommes et aussi donner du soutien aux femmes qui doivent faire face aux privilèges masculins. J’essayais aussi de faire face à mes propres privilèges en tant qu’homme qui essaie se corriger dans cette société masculinocentrée.
Comment te définis-tu?
Je me définis comme un homme noir handi hétéro, je suis un féministe qui travaille.
Il y a toujours cette approche intersectionnelle dans ce que tu fais. C’est un combat permanent?
Oui c’est toujours un combat permanent parce qu’il y a des gens qui m’obligent à me regarder. Je pense que j’y suis venu en interagissant avec d’autres communautés, avec mes amiEs qui sont très différentEs. Patty Berne de Sins Invalid, elle me pousse vraiment à me surveiller au niveau de mes privilèges masculins et elle essaie de m’aider à prendre conscience des autres communautés pour être un bon allié. Donc oui c’est vraiment un combat permanent. J’essaie toujours de me surveiller en tant que mec hétéro qui essaye d’être un bon allié pour les autres communautés
Où vis-tu ? Où as-tu grandi ?
Je suis né dans l’endroit le plus froid de la planète : Buffalo, État de New-York. J’ai vécu et grandi à Hartford, dans le Connecticut et à New-York City, faisant des allers retours. Et j’ai passé du temps à Pontiac, Michigan, dans les années 80. J’ai déménagé du Connecticut pour la Bay Area de San Francisco en 1991. Et maintenant je vis à Berkeley en face de la baie de San Francisco.
Comment es-tu venu au militantisme?
Je suis né dans une famille très militante. Mon père était très activiste dans sa communauté et ma mère était vraiment une penseuse indépendante. Et donc en grandissant, étant noir et handi, je pense que je n’avais pas d’autres choix que de devenir militant et me battre pour mes droits. Comme elle était activiste dans la communauté ma mère m’impliquait toujours dans différents programmes pour les handis, elle m’impliquait dans beaucoup d’organisations.
Je pense que le premier combat dont je me souviens c’est celui que parents menèrent pour que je sois scolarisé dans le « grand public ». J’étais en institution spécialisée ici aux États-Unis quand j’étais plus jeune et mes parents ont intenté un procès au conseil d’éducation pour que je sois scolarisé en école « grand public ».
Tu peux nous parler de ton expérience dans les deux systèmes éducatifs?
Ce sont deux choses totalement différentes. Dans l’éducation spécialisée dans les années 70, il y avait plus de noirEs et de portoricainEs, ados et jeunes adultes. Et aussi les profs ne nous poussaient pas vraiment parce qu’ils pensaient « Ah t’es handiE donc t’apprendras rien de toute façon». Donc vraiment à l’époque il s’agissait uniquement de faire de tâches très très simples. Quand je suis rentrée dans le système « classique » ça a été un soulagement mais ça a été aussi un choc parce qu’il me fallait vraiment travailler pour rattraper les autres élèves parce que c’était plus compliqué que l’éducation spécialisée. Donc il a fallu que je rattrape. Les assistantEs d’éducation m’ont vraiment aidé dans toutes les classes avec mes devoirs et d’autres choses du genre.
Je me souviens aussi que dans l’institution spécialisée c’était plus divers. Il y avait plus de non-blancHEs. Dans l’éducation « grand public » dans les années 70 j’étais presque le seul élève noir handi.
Je me souviens aussi que mes parents étaient impliqués dans le CT United Cerebral Palsy Association2 . Et ça a vraiment changé ma vie parce que là j’ai rencontré une femme noire handie qui était directrice à cette époque, Beverly Jackson. Ça a été une de mes mentors dans la mesure où elle était noire, handie et plus vieille. Après ça je me suis vraiment impliqué dans cette organisation. J’ai fait du sport, de l’activisme, des programmes pour les jeunes.
Et l’écriture tu y es venu quand et comment ?
Tu sais en grandissant en tant que handi t’as beaucoup de temps seul parce beaucoup d’enfants ne veulent pas jouer avec toi. Et en plus j’étais souvent à l’hôpital. Pendant ce temps j’écrivais des histoires, des petits poèmes. C’était dans la fin des années 70, début 80. Je ne suis pas vraiment tombé dans la poésie avant la fin des années 80, début 90. À l’école, au lycée à cette époque les profs n’enseignaient qu’un certain type de poésie dans lequel je ne me reconnaissais pas. Ils t’apprenaient seulement des trucs sur des hommes blancs qui étaient morts, la poésie des hommes blancs. Donc ça ne m’avait pas vraiment touché à cette époque. D’ailleurs je détestais la poésie parce que je ne m’y retrouvais pas. Et donc mon père dans les années 80 m’a emmené à New York et c’est là qu’il m’a montré les Last Poets. Et donc quand j’ai vu ça j’ai dit « d’accord, c’est ça la poésie que j’aime ». Après ça je me suis tourné vers d’autres poètes et poétesses noires comme Nikki giovanni, Sonia Sanchez, Gil Scott Heron. Quand j’ai vu ça j’ai dit « bon il faut que j’écrive ma propre poésie ». Et j’ai commencé à lire des trucs en public en 1991 quand j’ai déménagé ici dans la Bay Area. J’ai commencé à participer à des open-mike de poésie et à voir ma poésie publiée. Ma poésie fut tout d’abord publiée, je pense, dans le journal San Francisco Bay View. C’est un journal noir ici à San Francisco. Pendant cette période, une fois dans le public d’un open-mike à Berkeley il y avait Poor Magazine, ils m’ont vu, c’était Lisa Gray Garcia et sa mère. Après ça elles m’ont invité pour commencer une rubrique dans leur magazine. J’ai donc commencé cette colonne nommée « Illin and Chillin », qui était vraiment concentrée sur la race et le handicap. Je pense qu’à cette époque c’était la première colonne en ligne qui traitait de la race et du handicap, c’était au début des années 90.
Je t’ai vu en ligne pester contre les universitaires qui s’approprient ton travail sans même te contacter…
Il y a beaucoup d’activistes de la communauté, des spécialistes qui viennent de la communauté, des journalistes. Ils font un très très bon boulot et parfois les académiques, les universitaires ils utilisent le boulot des spécialistes, de ces spécialistes-là issuEs de la communauté et ne leur demandent pas la permission d’utiliser ce travail. Ça m’arrive très très souvent. Au sujet de Krip-Hop, mes écrits, ma poésie, ils s’en servent sans m’en parler donc plein de fois je regarde dans Google et je vois mon boulot, mes textes dans des conférences alors que je n’ai pas donné mon accord.
Tu peux nous parler de Krip-Hop Nation?
Je travaille à l’écriture d’un livre sur Krip-Hop Nation. C’est un réseau international d’artistes hip-hop handiEs. J’ai commencé il y a presque 5,6 ans pour les musicienNEs handiEs. Comme j’étais un amoureux de la musique et en même temps un activiste handi, je m’intéressais à la question de la musique et du handicap. Et je ne me suis jamais vraiment vu refléter si on parle de hip-hop. Je n’avais jamais vraiment vu, tu vois, d’artistes handiEs hip-hop faisant leurs trucs, avec des handicaps physiques visibles.
Il y a 5, 6 ans je participais à une émission ça s’appelait Pushing limits sur KPFA 94.1 Fm a Berkeley. J’ai convaincu le collectif radio de faire une série en 4 parties sur hip-hop et handicap. Et j’ai invité beaucoup d’artistes à participer dans l’émission. On a interviewé Sha Rock, c’est un artiste sourd, on a interviewé DJ Quad c’est un artiste avec un handicap physique de LA. On a interviewé Keith Jones de Boston. On a aussi interviewé Preacher Man de New York c’est un artiste qui marche avec des béquilles.
Après cette série en 4 parties qui a vraiment eu une bonne audience je suis rentré à la maison et je voulais vraiment continuer le projet. C’est là que j’ai écris, formulé le Krip-Hop, je l’ai défini et j’ai crée un myspace, parce qu’il n’y avait pas de facebook à l’époque. Et j’ai eu beaucoup de bons retours. Donc à partir de là on a commencé à faire des CDs. Jusqu’à présent on a fait 3 CD mixtapes. On fait tout nous-mêmes. On n’a pas de major mais on l’a fait nous-mêmes et on a tourné au niveau international on revient juste de Toronto et on repartira en décembre à Liverpool, au Royaume-Uni pour le DaDaFestival. Donc oui c’est devenu international on a des sections en Allemagne, Afrique du Sud, Royaume-Uni.
C’est quoi exactement Sins Invalid le projet-spectacle auquel tu participes ?
Sins Invalid est un projet fait de performances qui traite de sexualité, race, de queerness. Ça a commencé il y a presque 5 ans avec moi, Patty Berne, qui est une handie queer non-blanche qui vit ici, c’est une artiste, il y avait aussi Todd Herman et Amanda Coslor. Donc on a commencé Sins et on l’a commencé parce qu’on se reconnaissait pas dans les productions culturelles de la Bay Area. On ne voyait pas d’handiEs non-blancHEs, d’handiEs non-blancHEs queers sur la scène culturelle avec nos approches politiques. Patty et moi sommes plus que des artistes, nous sommes des activistes donc on voulait vraiment commencer un événement qui traitait de nos identités mais qui traitait aussi des implications politiques dans le fait d’être une personne non-blanche avec un handicap, ou une personne non-blanche queer avec un handicap. Donc on s’est rencontréEs à cette époque Patty et moi. On avait sorti des vidéos et donc on s’est dit » faisons un rassemblement où les gens pourront regarder les vidéos « . L’idée a grandi et notre premier événement fut énorme et complet c’était dans un théâtre nommé le Brava Theater à San Francisco. Il y avait des poètesSES, des musicienNEs, des acteursTRICES. C’était il y a genre 5, 6 ans. À partir de cet événement ça a continué à grandir donc maintenant on fait un événement chaque année. Et nos programmes ont commencé à se développer, parce que comme je l’ai dit, Patty et moi on est plus que des artistes donc on voulait vraiment lancer ce qu’on appelle la « disability justice ». C’est Patty qui a trouvé le terme : ça parle vraiment de comment les non-blancHEs, les queers, les pauvres n’ont jamais vraiment eu de place dans le mouvement pour les droits handis parce qu’en gros à cette époque le mouvement ne nous ressemblait pas.
Donc la » disability justice « regarde vraiment l’individuE dans sa globalité, à travers notre production culturelle. La disability justice c’est regarder au-delà de la couverture pour vraiment vivre avec nos identités. Ouais avec nos identités intersectionnelles, nos cultures. Donc oui c’est ça Sins. On continue à faire notre représentation annuelle et maintenant on a des programmes éducatifs. On s’est associéEs avec quelques organisations de la Bay Area qui sont vraiment dans le genre d’activisme qui peut aller de pair avec la disability justice. On s’est associéEs à Catalyst, un programme ici dans la Bay Area, avec le Brown Boi Project qui est une organisation de queers et transgenres non-blancHEs. On est partenaires avec ces organisations pour les former au niveau disability justice, voir comment ça peut être incluEs dans leur travail. On va aussi dans les universités et les lycées pour faire des représentations mais aussi des ateliers. On revient de Washington et on a fait des ateliers là-bas dans les facs locales. Donc on fait pas mal ça, on va dans des facs, des universités et on fait des ateliers et des performances. On a aussi un documentaire sur Sins Invalid qui est sorti en octobre. On va aussi dans des festivals de cinema pour montrer le documentaire, et le documentaire parle vraiment de notre travail de scène et de notre travail autour de la disability justice. Alors pour les gens qui ne peuvent pas assister à notre performance annuelle à San Francisco ils peuvent regarder le documentaire et avoir une vue de l’intérieur sur ce qu’est Sins Invalid et la performance annuelle. Les gens peuvent aller sur New Day films. Là ils peuvent acheter le film.
Avec Krip-Hop aussi tu as toujours entretenu des liens solides avec les scènes homo-hop et Queer-hop…
Des années avant que Krip-Hop n’existe j’avais l’habitude d’aller au Homohop Out festival ici à Oakland. C’était un festival d’artistes hip-hop queer et c’est un de mes amis, Juba Kalamka, qui a commencé ce festival. Ça n’existe plus maintenant mais j’y suis allé deux fois. Je me suis vraiment posé et j’ai pris le temps d’écouter ce dont les artistes de cette scène parlaient dans leurs chansons et les débats. Les artistes queer hip-hop avaient presque les mêmes histoires que les artistes hip-hop handies: ils n’étaient pas acceptéEs dans le hip-hop, ils étaient discriminéEs, ils essayaient de faire passer leur musique en radio. Ayant assisté deux fois au festival, quand Krip-hop a commencé je me suis dit que c’était une super opportunité de rassembler les deux communautés ; les communautés queer et handies autour du hip-hop.
C’est ce qu’on a fait. C’est vraiment un comité de personnes qui a mis le truc en place. Il y avait moi, Tru Bloo and Galen Silvestri . On s’est tous rassemblés et on arrivés à la conclusion qu’on voulait faire un événement krip-hop homo-hop à l’Université de Berkeley. Donc on est allés voir la fac avec notre idée, je pense qu’on est allé voir le département des études handies et ils ont dit oui. On voulait des concerts mais on voulait aussi des tables rondes et donc on a montré un documentaire sur la scène homo-hop et on a montré un doc qui n’est pas encore complètement fini qui s’appelle Half a soldier c’est sur un artiste hip-hop handi à New-York. Tout ça s’est passé l’université de Berkeley en 2009. Et c’était notre premier événement local pour Krip-Hop et donc ça a vraiment montré quelles étaient nos positions politiques, ce que Krip-hop signifie. A cette époque des gens dans le hip-hop n’étaient pas contentEs de ce qu’on faisait donc on a reçu des emails haineux, des personnes déchiraient les affiches sur la fac…
Comment en es-tu venu à militer contre la violence policière qui touche la communauté handie?
J’ai été impliqué dans la question de la violence policière contre les handiEs très jeune. Mon père était un activiste et il m’emmenait dans des manifestations de différents groupes en lutte face aux différents problèmes qui touchent les noirEs dans ce pays. Donc il m’a emmené dans un certain nombre de rassemblements contre la violence policière. À ce moment j’étais jeune donc je n’avais pas vraiment l’approche que j’en ai maintenant. Mais quand j’ai emménagé dans la Bay Area c’est là que je me suis vraiment impliqué dans cette question avec ce qui est appelé l’affaire Idriss Stelley.
Idriss Stelley était un jeune homme qui souffrait de handicap mental. Il était allé dans un ciné avec sa copine à San Francisco juste pour se détendre et il a fait une crise dans le ciné. Sa copine a appelé la mère d’Idriss. Et sa mère est vraiment une grande militante connu par les services de la santé mentale ici à San Francisco. La mère d’Idriss lui a dit « appelle la police mais assure-toi qu’ils sachent pour son handicap mental ». La fille a appelé la police. La police est venue à la salle de cinéma, ils l’ont vidée et il était le dernier qui restait à l’intérieur. Il a commencé à marcher vers la police. Et c’est là que la police a ouvert le feu. Ils ont tiré tellement, tellement de balles que ça a ricoché sur les murs etc.
Donc malheureusement Idriss Stelley fut tué. Et à cause de cette affaire, sa mère et la communauté ont lancé une grande mobilisation. C’est allé jusqu’au Maire, jusqu’au Conseil du département. Et nous avons dit qu’il fallait que ça cesse ces meurtres policiers de personnes avec des handicaps mentaux. Nous avons contraint la ville à mettre en place ce qui était appelé à l’époque » l’entrainement policier à la situation de crise « , l’entrainement de la police pour les gens avec des handicaps mentaux. Au moins 90, 100 officiers de police à San Francisco sont passéEs par là. Cette mesure est passée uniquement parce que la mère d’Idriss et la communauté ont fait en sorte que ce soit adopté comme une loi. Malheureusement les entrainements de policierEs sont arrêtés aujourd’hui à cause des réductions budgetaires. Aujourd’hui je réalise que le problème de la violence policière contre les handiEs n’a fait que croître et que la seule solution grand public, populaire, c’est plus d’entrainement. Mon point de vue aujourd’hui c’est que l’on a besoin de plus de solutions que l’entrainement parce que j’ai grandi avec cette solution qui vient de la police, des politiciens et même de la communauté. Je pense qu’en 2014 on a besoin de plus de solutions que l’entrainement tout simplement.
Est-ce qu’il y a des chiffres, des organisations qui enregistrent les cas de violence policière contre la communauté?
C’est une bonne question ; tu vois, Mesha (à la droite de Leroy sur la photo) a lancé la Fondation Idriss Stelley après le meurtre de son fils. Ça existe toujours et ils essaient vraiment de suivre la question de la violence policière contre les handiEs. Ils essaientde la faire avec la communauté. Mais en dehors de ça, en dehors d’activistes locaux comme moi-même et d’autres gens, il n’y a pas d’organisation nationale qui enregistre le cas de personnes handis sur qui la police a tiré et c’est l’un des problèmes que j’identifie. Comme il n’y a pas d’enregistrement national, de rapport national sur la question. Je considère que c’est un gros problème parce qu’aux Etats-Unis tout est question de chiffre. La question de la violence policière contre nous n’a pas de chiffres nationaux, donc ca continue d’être un problème parce qu’on ne peut pas dire « alors regardez ici » aux politiciens et aux activistes « regardez l’augmentation des violences, regardez les chiffres ».
On peut pas faire ça parce qu’il y a ce manque et c’est ce que Krip-Hop essaie de faire ; on essaie de réaliser un documentaire sur la violence policière contre les handiEs pour vraiment mette en valeur la question de ce qui ne va pas dans le système, et comment on s’implique ensemble. On fait ça à travers nos productions culturelles. Notre dernier CD tourne autour de cette question, et il a été fait par Krip-hop et Dj Quad. Donc le CD va de pair avec le documentaire, comme outils éducatifs et culturels sur cette question, parce qu’il n’y a pas eu vraiment de campagne éducative avec de la production culturelle qui parle de la violence policière contre les handiEs. On espère que Krip-hop et Emmit Thrower, le réalisateur de ce documentaire, on espère touTEs que cet outil éducatif peut aider non pas à commencer mais au moins à poursuivre les discussions dans la communauté à ce sujet. Et qu’il pourra aider les combats locaux des activistes qui se battent vraiment pour une solution locale que la communauté puisse maitriser.
Qu’est-ce que c’est la NBDC dont tu es co-fondateur?
La National Black Disability Coalition a commencé avec Jane Dunhamn et moi et d‘autres personnes il y a au moins 6 ans. Jane Dunhamn et moi on s’est rencontréEs, je pense, en ligne. Elle connaisait mon travail sur la race et le handicap. On s’est rencontréEs, on a discutés de nos travaux respectifs et on s’est dit qu’il manquait une organisation nationale qui travaillait autour des personnes non-blancHes avec des handicaps. À cette époque, j’étais impliqué dans le Harambee Education Council for Black parents of disabled sons & daughters. Harambee était une organisation qui s’occupait des noirEs handiEs ados, jeunes adultes et leurs parents. J’y ai été pendant pas mal d’années. Voyant ça, Jane Dunhamn voulait vraiment faire des trucs dans le New Jersey et elle voulait aussi une organisation au niveau national autour de la race et du handicap. Elle est mère d’une fille handie et elle travaille dans le domaine du handicap donc elle avait des connaissances et des compétences. Elle cherchait à motiver d’autres personnes donc je me suis impliqué. Je siège toujours au Conseil. À ce moment-là ils l’ont changé en Black Disabled Coalition parce qu’ils voulaient vraiment se concentrer sur notre communauté noire afro-américaine. Maintenant on essaie de mettre en place des études handies noires. Parce que dans les universités t’as des études handis, des etudes feminines, noires mais on n’a vraiment rien sur ce qui se passe pour les personnes handies et noires. Et c’est quelque chose qui m’a toujours intéressé dans mes recherches, les personnes handies noires dans l’Histoire. Des musiciens aux activistes, aux handiEs noirEs pendant l’esclavage. Donc la NBDC a fait une grande réunion dans le New Jersey pour discuter des études handies noires, à quoi ça pourrait ressembler et comment on peut faire en sorte que ça existe. Après la table ronde on a voulu mettre en place un comité qui puisse se réunir mensuellement pour vraiment établir ce que peuvent être les études handies noires à l’Université.
Donc maintenant ça fait un an. On a des pistes par rapport aux universités susceptibles d’accueillir ces études. Et là on est vraiment en plein dans la construction de ce que contiendraient les cours. Quels genre de cours ? La musique des noirEs handiEs. L’Histoire. Jane, moi et le reste du comité on rédige des descriptions des contenus. C’est vraiment intéressant et ça pourrait vraiment changer dans les facultés la perception qu’ont les gens des handiEs noirEs. Parce que nous avons une histoire. Nous avons une culture. Il faut que ce soit enseigné à l’Université, et aussi en dehors. Il faut que ce soit enseigné dans nos communautés, nos foyers pour vraiment casser la perception populaire dans la communauté noire que le handicap est un péché, que le handicap doit être caché. Et nous disons non le handicap c’est une expérience politique, historique, culturelle et nous devons l’étudier.
Tu veux ajouter quelque chose?
Je veux juste dire que si vous voulez nous contacter vous pouvez m’envoyer un email. C’est kriphopnation@gmail.com. Vous pouvez aller sur notre page facebook. Le site Krip-Hop arrive bientôt, donc googlez ça. Pour les personnes en France n’hésitez pas à nous contacter. On veut impliquer plus de personnes. Il y a beaucoup de handiEs dans votre pays donc on aimerait beaucoup être en contact avec des artistes hip-hop handiEs de France!
Interview réalisée par Cases Rebelles en Mai 2014.