Des forces réactionnaires n°2 : Occident

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SÉRIE

DES FORCES RÉACTIONNAIRES n°2 : Occident

Dans la série Des forces réactionnaires on se propose de vous parler de groupes, d'événements, de mouvances, d'idéologies réactionnaires en France ou liés à la France, en partageant également des ressources accessibles.

Série | Des forces réactionnaires

Par Cases Rebelles

Mai 2022

Cette semaine, notre série se poursuit avec le groupe Occident, qui a notamment pour particularité d’avoir vu passer dans ses rangs de futurs ténors de la droit libérale ; Patrick Devedjian, Alain Madelin, Hervé Novelli, Claude Goasguen, Anne Méaux...

Occident a été fondé en avril 1964 par des lycéens et étudiants dissidents de la section de Paris de la Fédération des Étudiants Nationalistes (FEN), groupe qui était entre autres pro-Algérie française et farouchement antimarxiste.
Occident plonge aussi ses racines dans une longue histoire du fascisme français : l'extrême-droite maurrassienne de l'entre-deux-guerres, l’antisémitisme et le racisme d’un Robert Brasillach ou d’un Maurice Barrès, le Parti franciste de Marcel Bucard (collaborationniste, antisémite, figure du fascisme, fusillé en 1946) entre autres. Pierre Sidos, engagé dans le mouvement franciste pendant la Seconde guerre mondiale, co-fondateur de Jeune nation (mouvement et journal) en 1949, soutien de l’OAS, est leur parrain idéologique : il les épaule lors de la création du mouvement.

« Quant au programme, on adopte, pour faire simple, celui de Jeune nation : ‘En finir avec le régime’ et ‘rendre sa grandeur à la France’ en réalisant ‘une seconde Révolution française antilibérale et antimarxiste’, ‘placer l’homme dans son cadre normal : la famille, la profession, la province, la nation’, abolir ‘le suffrage universel politique, néfaste aux intérêts de la nation’ ou encore combattre ‘les ennemis de l’intérieur’, c’est-à-dire ‘les puissances financières [qui] doivent être écartées des responsabilités politiques, la franc-maçonnerie dont les membres doivent être révélés au grand jour, les ‘métèque’ qui, se servant de la France sans la servir, doivent être rejetés’, tout comme ‘les marxistes au service de l’étranger’. Occident aspire à ‘un État nouveau’, ‘populaire’, ‘autoritaire’, dirigé ‘par une hiérarchie de responsables occupant chacun la fonction de leurs capacités et non élus’. Ainsi, selon les vœux d’Occident, la ‘direction de l’État’ devrait être assurée par des ‘ingénieurs politiques et non […] des stratèges électoraux’. Celle-ci veillera à débarrasser le capitalisme de ‘l’influence de la haute banque et des trusts, prépondérante dans le régime républicain’ et d’une ‘technocratie envahissante, prête à servir aussi bien la haute banque apatride que le communisme qui nie et combat les réalités nationales et ravale l’homme au rang de machine’. Pour Occident, cette ‘révolution’ marquera ‘le point de départ d’un mouvement qui rendra l’Europe libre et impériale’. »

— Extrait de Génération Occident : de l’extrême droite à la droite, Frédéric Charpier, 2005.

Le cœur de l’action d’Occident c’est la violence.

« Les principales cibles d’Occident sont culturelles : la librairie La Joie de lire, de François Maspero, manifestations aux cris de ‘Gloire à l’armée’ et perturbations de la pièce de Jean Genet, Les Paravents au théatre de l’Odéon (avec Holeindre et la Restauration nationale) jugée comme ‘une insulte à l’armée’, contre la pièce d’Armand Gatti, V comme Vietnam, à Clermont-Ferrand ; politiques contre les permanences du PCF, contre son siège, place Kossuth, en novembre 1966 pour le dixième anniversaire de Budapest, contre des vendeurs de la presse d’extrême gauche, contre le consulat du Nord-Vietnam, contre des réunions contre la guerre du Vietnam, ce qu’Occident qualifie ‘d’action anti-Vietcong’.
La cible favorite est le milieu étudiant, les facultés, les lycées et le Quartier latin qu’il faut ‘démarxiser’. »

— Extrait de « Aux origines du RN (2) – Occident : ‘génération cogneurs’ », de Jean-Paul Gautier, dans Contretemps, mars 2021.

Fin 1965, le mouvement actera une rupture avec Pierre Sidos et certains positions traditionnelles qu’il représente. Sur la guerre du Vietnam notamment, le groupe soutient le Sud Viêt Nam, affichant des positions interprétées comme pro-américaines et donc inacceptable par des figures fascistes comme Sidos. Pour les jeunes, le mot d’ordre « Défendre l’Occident partout où il se bat » légitime parfaitement ce combat. Il se joue là une rupture générationnelle motivée par une volonté claire d’émancipation de la jeune génération fascistes et un discours jeuniste assumé et revendiqué.

Un paroxysme de violence est atteint lors d’un déplacement des membres parisiens du groupe jusqu’au campus de Rouen le 12 janvier 1967. Ils y attaquent des comités étudiants Viêt Nam. L’assaut laisse un jeune rouennais, frappé à la tête avec une clé anglaise, dans le coma. Treize membres d’Occident seront jugés pour « violences et voies de fait avec armes et préméditation », mais ils sont condamnés à des peines dérisoires allant de quelques mois de prison avec sursis à des centaines de francs d’amende.
Mais pour beaucoup ce sera le signal du départ.
Patrick Devedjian, soupçonné d’avoir balancé, est même victime d’un guet-apens et d’une séance de torture par ses camarades…

À l’avènement de mai 1968, le groupe est perdu : tiraillé entre une volonté de soutien au pouvoir (des contacts sont même pris avec le S.A.C.), une tentation insurrectionnelle anti-gaulliste, ou une position attentiste.
Après la crise, le gouvernement lance mi-juin une vague de dissolution visant des organisations révolutionnaires de gauche dites extrémistes, alors qu’Occident est épargné… Le groupe continue les actions violentes et sa dissolution est officiellement prononcée le 31 octobre 1968. Viendront d’autres groupuscules. Quant aux anciens membres, ils continueront leur trajectoire dans une droite plus « présentable » pour certains, au plus haut sommet de l’État (Alain Madelin, Gérard Longuet, Claude Goasguen, etc.) quand d’autres continueront de porter cet héritage Occident à l’extrême droite officielle de l’échiquier politique.

Quelques ressources

À lire :

- Génération Occident : de l’extrême droite à la droite, de Frédéric Charpier, 2005. (facilement trouvable en ligne)
- « Aux origines du RN (2) – Occident : ‘génération cogneurs’ », de Jean-Paul Gautier, contretemps.eu, 20/03/2021.
- « Quarante ans après, les anciens d'Occident revisitent leur passé », de Gérard Davet et Philipe Ridet, lemonde.fr, 26/02/2014.
- « De l'extrême-droite au patronat : Madelin, Devedjian, Longuet et les autres. », de Frédéric Charpier, dans Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours. Le vrai visage du capitalisme français, 2014.

À écouter :

- « Occident », Affaires Sensibles, franceinter.fr, 26/03/2019. (Avec Frédéric Charpier.)

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(Voir ci-dessous en slide 6 : Archive INA, « Manifestation du mouvement Occident en mai 1968 »)