SÉRIE
DES FORCES RÉACTIONNAIRES n°3 : Jacques DORIOT et le PPF
Dans la série Des forces réactionnaires on se propose de vous parler de groupes, d'événements, de mouvances, d'idéologies réactionnaires en France ou liés à la France, en partageant également des ressources accessibles.
Par Cases Rebelles
Mai 2022
Jacques Doriot est une figure fasciste française, emblématique d’un collaborationnisme acharné, devançant les exigences des nazis. Dans son parcours, l’insatiable appétit de pouvoir le dispute à un fascisme viscéral, marqué par une exclusion du PCF qui mit un terme à son ambition de devenir le chef de ce bord-là de l’échiquier politique.
Au Parti Communiste Français : de l'ascension à l'exclusion
Doriot est né en 1898 à Bresles dans l’Oise. Il est issu de la classe ouvrière. À 15 ans il quitte ses parents pour aller travailler à l’usine. Il arrive à Saint-Denis en 1915 pour travailler dans la métallurgie. Mobilisé en 1917, il va comme beaucoup d’autres hommes de sa génération être fortement marqué par la guerre. Il est décoré de la croix de guerre mais aussi condamné à 1 mois de prison pour indiscipline. Auparavant proche de la SFIO, il adhère au Parti communiste français (PCF) au sortir de la guerre. Il reprend le travail à son usine de Saint-Denis. Dans le cadre militant, il est envoyé à Moscou en 1921 et y vit pendant deux ans.
Il se spécialise dans l'agit prop (agitation & propagande). En 1923 à son retour à Paris, il prend la tête des Jeunesses Communistes. Il est considéré et reconnu pour ses talents d’orateur.
À la fin de cette même année il est jugé et condamné pour un article appelant à la fraternisation entre ouvriers allemands et français. Il est emprisonné à la Santé puis remis en liberté avant la fin de peine du fait de son élection : à 25 ans, il devient le plus jeune député de France !
Il est réputé pour ses provocations et ses déclarations fracassantes.
À la mort de Lénine, la ligne du parti change quant aux alliances avec les socialistes ; la tactique classe contre classe de Staline les interdit. Doriot s’y oppose d’autant plus qu’elle risque de lui faire perdre son siège.
Il sauve sa place de député mais accusé d’opportunisme au Congrès de Saint-Denis en 1929 il est contraint de s’excuser publiquement.
Il devient maire de Saint Denis en 1931, un bastion ouvrier dont les ouvriers métallurgistes sont le symbole.
Alors que le PCF enregistre une déroute aux élections de 1932, il est le seul député du parti à être réélu au premier tour. Doriot voyant en ce succès la possibilité d’évincer Maurice Thorez, se rend à Moscou où l’affrontement entre les deux hommes ira jusqu’au pugilat.
C’est à Thorez que Staline renouvellera sa confiance.
En Allemagne, Hitler arrive au pouvoir et le 6 février 1934, les ligues d’extrême-droite anti-parlementaires marchent sur Paris.
Doriot continue de prôner l’unité socialiste/communiste. Lui et Thorez sont de nouveau convoqués à Moscou mais Doriot ne vient pas.
Staline édicte une nouvelle ligne sous la pression des événements internationaux ; l’heure est maintenant à l’unité entre communistes et socialistes. Mais Doriot n’a pas l’occasion de transformer cette victoire politique : il est exclu du PCF en 1934.
La naissance du Parti Populaire Français
Après cette rupture, Doriot va se tourner vers la classe moyenne bourgeoise et les artisans, dans son fief de Saint Denis. À l’automne 1936, quelques mois après la victoire du Front populaire, a lieu le congrès fondateur d’« une machine de guerre anticommuniste », le PPF, le Parti populaire français dont Doriot prend la direction. À noter qu’il bénéficie du soutien important d’un patronat français soucieux de protéger ses intérêts et mobilisé pour « sauver la France du péril bolchévique ». Le PPF s’inspire ouvertement de Mussolini : les adhérents doivent prêter serment au chef et l’un des slogans est « ni droite, ni gauche français d’abord ».
Au printemps 1937, Doriot, soupçonné des moyens de la municipalité pour son parti est révoqué de son emploi de maire de Saint-Denis. En juin, la démission du premier ministre Léon Blum et de son gouvernement marque l’échec du Front Populaire et le spectre de « la menace communiste » s’évapore. Le PPF ne peut plus compter sur le soutien zélé du patronat français.
Lors du 2ème congrès en 1938, Doriot se livre à un éloge de la révolution hitlérienne. La xénophobie et l’antisémitisme deviennent les piliers de l’idéologie du PPF et viennent s’ajouter à l’anticommunisme. C’est un tournant idéologique majeur.
Au tout début de la guerre, Doriot est engagé dans les combats contre l’Allemagne mais dès qu’il entend le discours de Pétain le 17 juin 1940 et apprend la nouvelle de pourparlers avec l’Allemagne hitlérienne, il enfile des vêtements civils pour ne pas se faire arrêter et file à Vichy ; convaincu que c’est son heure, il compte bien récolter sa part de pouvoir.
Un collaborationniste acharné
Proche de Pétain, Doriot n’obtient pourtant pas le poste escompté de vice-président du Conseil qui échoit à Laval. Il va par la suite comploter activement notamment auprès des allemands pour apparaître comme le leader naturel de la France fasciste. Il reçoit des fonds de Pétain pour créer son journal : le Cri du peuple.
En décembre 1940 Laval est limogé mais Pétain choisit Darlan comme remplaçant.
En février 1941, Marcel Déat, ex SFIO, lance le Rassemblement national populaire (RNP), l’un des trois partis majeurs collaborationnistes, qui militait en faveur d’une Europe nazie unifiée.
Le PPF officiellement endormi du fait de l’occupation est réactivé en avril 1941 et devient le principal rival du RNP.
Après l’attaque du Reich contre l’URSS, les partis collaborationnistes s’unissent pour créer la LVF, Légion des volontaires français contre le bolchevisme. Les meetings LVF sont de vrais plébiscites pour le tribun Doriot qui s’applique à convaincre des français d’endosser des uniformes allemands et de prêter serment à Hitler. Doriot va lui même s'engager mais les allemands en font un officier d’ordonnance qui n’ira pas au combat.
Lors d’un meeting à Rennes, un résistant communiste tente de le tuer en lui lançant une grenade.
Doriot est de fait celui qui va le plus loin dans la surenchère collaborationniste. En zone occupée, des bandes de membres du PPF sèment la terreur en s’en prenant aux juifs·ves tandis qu’il multiplie les déclarations comme : « Il faut régler la question juive », « Les juifs doivent rendre gorge ».
Le 16 juillet 1942, entre 300 et 400 miliciens, membres du PPF auraient été présents pour participer à la rafle du Vél d’Hiv’ où plus de 13000 hommes, femmes et enfants furent arrêtés avant d’être déporté·e·s à Auschwitz et exterminé·e·s.
A l’automne 1942, Doriot est au summum de la mégalomanie. Lors du congrès du PPF, il ne tarit pas d’éloges sur Adolf Hitler et pense qu’il obtiendra bientôt la reconnaissance qu’il mérite de la part du régime nazi. Il déclare : « Je veux un parti fasciste ! Je veux un parti totalitaire ! »
Le 31 janvier 1943, l’armée allemande capitule à Stalingrad. Doriot annonce son départ sur le front de l’Est.
De retour à Paris en août 1943, il fait défiler ses troupes sur les Champs-Élysées.
Il va s’enfuir de Paris à la veille de l’entrée des alliés dans la ville. Tous les collabos en fuite se retrouvent à Sigmaringen. Il crée le 6 janvier 1945 le comité français de libération nationale qui exhorte le peuple à prendre les armes contre « l’envahisseur américain ».
C’est en route pour un rendez-vous avec son rival Marcel Déat que sa voiture est mitraillée par des avions anglais ; il meurt sur le coup.
Heinrich Himmler saluera l’œuvre sinistre de ce collaborateur dans un télégramme envoyé à sa famille.
PS : Des thèses incriminant des avions allemands circulent sur l’assassinat de Doriot. Elles nous semblent dénuées d’intérêt.
« La seule témoin du mitraillage, la femme qui accompagnait Doriot, ne fut interrogée que par des membres du PPF et l'historien allemand Eberhard Jäckel constata que cette thèse d'un mitraillage par des avions allemands ne devint publique que lors des différents procès en France de membres du PPF après guerre, ce qui facilitait leur défense, d'avoir servi un chef mort sous les balles allemandes. »1
SOURCES :
Le documentaire Jacques Doriot, petit führer français, de Joseph Beauregard, 2017.
▶ https://www.youtube.com/watch?v=2_PtdakWH4E
« La conversion politique : Doriot, le PPF et la question du fascisme français », La Suite dans les idées, France Culture, 2012.
▶ https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-suite-dans-les-idees/la-conversion-politique-doriot-le-ppf-et-la-question-du-fascisme-francais-2133662
L'histoire refoulée - La Rocque, les Croix de feu, et le fascisme français, Éditions du Cerf, février 2019.
Ni droite ni gauche. L'idéologie fasciste en France, Zeev sterhell, février 2019.
- Citation issue de Wikipédia. [↩]